Tout d’abord, il nous faut définir la beauté et clarifier cette notion galvaudée.

Ensuite, nous pourrons approfondir la réflexion et notamment l’apport humaniste et essentiel de la Beauté.

  1. La Beauté ? 

1) Qualité de quelqu’un, de quelque chose qui est beau, conforme à un idéal esthétique.

Exemple, in extenso du dictionnaire : la beauté d’une œuvre musicale.

Synonymes : éclat – grâce – splendeur – harmoniemagnificence.

Idéal : Qui atteint toute la perfection que l’on peut concevoir ou souhaiter.

Exemple ? Le beau idéal.

Esthétique :     Science du beau dans la nature et dans l’art.

                                    Qui participe à l’art.

 

2) Caractère de ce qui est digne d’admiration par ses qualités intellectuelles ou morales.

Exemple : La beauté d’un acte désintéressé.

Synonymes :  générosité – grandeur – magnanimité – noblesse – élévation.

 

  1. Elargissons la réflexion et traitons des confusions

Il ne faut pas confondre la beauté qui élève et la beauté-plaisir qui satisfait un besoin, un désir.

On peut trouver une musique commerciale, une voiture, une maison belle car il y a une association à la notion de plaisir, souvent éphémère, immédiat, fugace.

En fait, il manque un terme en français afin de dissocier la beauté-plaisir à la beauté-noble qui apporte, comme elle est définie, une élévation, une harmonie, une grandeur, une noblesse, etc.

Les temps modernes, où l’éphémère est omniprésent, tendent à nous faire confondre la beauté-plaisir à une beauté qui grandit, telle que définie par les anciens, une sorte de beauté-noble.

La véritable beauté contemplative nous pénètre et nous modifie profondément ; a contrario d’une beauté-plaisir qui nous amène à un événement, à un vécu plaisant et donc définit de la sorte :

Sensation ou émotion agréable,

Liée à la satisfaction d’un désir, d’un besoin

Matériel ou mental.

  1. Passons à la vraie beauté, celle qui élève – Le véritable intérêt de la réflexion

L’intérêt d’évoquer la beauté dans les arts réside dans la notion de transcendance et de spiritualité vers lesquelles aspire tout être :

  • Les religions visent à la spiritualité et elles ont utilisé les arts pour ce faire, dont la musique (Bach est un des exemples emblématiques).
  • Tout comme la laïcité, une philosophie de vie, est attirée vers une spiritualité.
  • Et, finalement, très simplement, depuis la nuit des temps, tout être aspire à cette spiritualité, à travers la beauté.

En effet, depuis toujours, la beauté en art et les êtres humains sont indissociables.

Dès lors, il doit y avoir une raison fondamentale, une aspiration à une élévation au-delà de notre condition terrestre.

Cherchons…

En effet, tout être humain aspire à une forme de spiritualité, à une transcendance qui apporte sagesse et sérénité, notamment face à sa finitude. 

Or, le beau, en art, est un des outils qui amène vers cette spiritualité, vers cette transcendance qui nous élève bien au-delà des actions basiques du règne animal, dont nous faisons partie.

La transcendance et la spiritualité nous permettent de nous élever de l’infiniment petit vers l’immensité qui nous surpasse et qui nous appelle.

La religion chrétienne, catholique, l’a tellement bien comprise qu’elle a codifiée notre musique ; et, bien avant la religion chrétienne, beaucoup de penseurs philosophiques ont utilisé les arts pour cette élévation spirituelle.

Nos penseurs grecs, comme l’a fait Aristote (384 – 322 av. J-C), théorisaient cette beauté en liant, les mathématiques, le cosmos, à l’Art et à la beauté intrinsèque qui permet cette transcendance humaniste, cette spiritualité et, dès lors, pragmatiquement, une paix des sociétés, de l’âme et de l’esprit.

Les Égyptiens et bien d’autres civilisations humaines l’avaient compris également.

Jusqu’au 20ème siècle, basé sur les pensées des anciens philosophes, l’art se devait d’être beau car il exprimait la moralité, la spiritualité, la transcendance humaniste.

Le beau s’imbrique dans le bon, le vrai, une morale et des valeurs. Nous reconnaissons implicitement ces valeurs comme étant constituantes.

A quelques exceptions près, la pseudo-laideur en art n’a été autorisée qu’au 20ème siècle, provoquée par des créateurs libres, en s’inscrivant en opposition aux modes d’écritures précédentes dans le but d’inventer un nouveau cheminement créatif, une autre forme de beauté et donc de spiritualité et de transcendance – ou pas (comme le pensent certains publics).

Cette laideur apparente peut être belle mais sous une autre forme.  Par exemple, en musique, l’écriture atonale (« sans » – tonalité ; dont l’écriture tonale n’est pas le fondement), dodécaphonique, sérielle, ne vise pas la beauté de l’harmonie tonale existante depuis des siècles mais une tout autre beauté, plus mathématique, plus intellectuelle, une tout autre forme de la création artistique.

Quête de sens, quête d’absolu, quête d’un infiniment grand, un besoin presqu’instinctif (au sens de la survie de la race) de cet impalpable mystère humaniste, de cette aventure humaine.

Pouvons-nous avoir notre place dans l’univers et en ressentir l’écho en nous ?

Comment accéder à un état dont même les mots ne rendent pas compte ?

La beauté, en art, n’est-il pas un merveilleux outil pour toucher cette inaccessible étoile ?

Spiritualité : « Qui est de l’ordre de l’esprit, considéré comme distinct de la matière ».

Cette définition offre un champ sans limites, avec finalement, un constat simple : la voie que je choisirai devra résonner en moi vers un état d’éveil, notamment à la beauté et singulièrement au travers des arts où peut se retrouver la beauté.

Cette recherche suppose un voyage intérieur avec l’acceptation d’abandonner ses convictions et d’en accueillir, peut-être, de nouvelles, plus élevées.

Sans vouloir définir, comme les anciens, un art majeur et des arts mineurs, quel art mieux que la musique, avec ses énergies, pouvait représenter cette recherche, cet état immatériel, aérien, impalpable, invisible, sans carcan de la connaissance réservée à une élite.

Par exemple,

  • L’art de la parole nécessite de connaitre et même de maitriser la langue, c’est-à-dire son véhicule artistique et émotionnel et spirituel. Ajoutons que l’écriture théâtrale est parfois fortement encadrée dans sa contemporanéité, voir même dépendante car des législations l’incite à traiter certains sujets contemporains.
  • La danse cadre l’imaginaire par l’image du mouvement des corps.
  • La peinture cadre le sujet et parle en images qui s’imposent à l’œil ; l’installation muséale s’appuie sur la culture contemporaine qui véhicule intrinsèquement des valeurs qui encadrent l’esprit de réflexion, etc…

Aucun art n’a, comme la musique, cette absence de figuration, de mots, d’images, laissant chacun libre d’entrée dans son imaginaire propre, sans aucun carcan, sans aucun savoir.

La musique n’impose sa signification d’aucune manière.

La musique est un langage émotionnel qui se suffit à lui-même.

Rien ne la renvoie au monde objectif et figuratif.

  • Le Philosophe Arthur Schopenhauer (1788-1860) : « Le compositeur nous révèle l’essence intime du monde, il se fait l‘interprète de la sagesse la plus profonde et dans une langue que sa raison ne connaît pas».
  • L’écrivain Honoré de Balzac (1799-1850) : « Le pouvoir des mots s’arrête où commence celui de la musique ».

La musique est donc une expression spirituelle, transcendantale et directe, immédiate.

Un certain sentiment de perfection, de l’essence même de la sagesse, de la beauté ou de la force de conviction nous est ainsi dévoilé.

La musique devient un moyen de dépassement de soi-même, au-delà des sentiments, un moyen de sublimation des passions, de transcendance humaniste.

La beauté musicale devient initiatique par le chemin à travers soi qu’elle nous suscite, libérant l’être de son étroitesse initiale, d’animal, basique.

  • L’écrivain, le scientifique, le théoricien de l’art, Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) « A entendre la musique de Bach, nous aurons l’impression d’être présents au moment-même où Dieu créa le monde».

La musique, et la beauté qu’elle recèle, a-t-elle d’ailleurs un sens, sinon celui que chacun lui prête ?

Bien évidemment, par rapport à la musique instrumentale, la musique vocale (opéra ou pop-rock, chanson française, etc.) voit son sens plus explicité, plus cadré, plus encadré, par les paroles.

Une forme de sens lui est aussi conféré par le contexte contemporain d’écriture.

Même lorsque la musique tend vers une forme d’universalisme (cf. infra), la musique n’en a pas moins des particularismes culturels très marqués, non universels (cf. infra) : rien de bien commun entre les musiques traditionnelles occidentales, asiatiques ou africaines… si ce n’est l’absolue nécessité d’exister, de transcender ; en cela, la musique est universelle.

En musique classique, acoustique, cette puissance spirituelle d’élévation est soutenue par des techniques d’écriture musicale bien éprouvées.

Des techniques d’écriture ont été étudiées et polies au fil des siècles afin d’apporter la plus grande beauté, la plus belle émotion, la spiritualité et la transcendance des êtres qui l’écoutent.

L’élaboration du système harmonique qui amène à cette beauté en est un bel exemple.

L’harmonie n’est-elle pas un facteur de paix et d’élévation ?

Très synthétiquement énoncé, le principe de la construction harmonique est, entre autres, de partir de la basse, sous-forme d’une base de toute chose – la terre – et d’y construire l’édifice musical, toute mélodie s’appuyant sur cet appui indispensable à notre ressenti.

Cette beauté harmonique nous ancre à la terre et supporte alors l’appel vers la spiritualité.

Wolfgang Amadeus Mozart (1762 – 1791) : « Je cherche les notes qui s’aiment ».

Cette harmonie musicale conduirait-elle à l’harmonie de soi ?

Y a-t-il une résonnance entre la beauté de notre système harmonique musical et notre système vibratoire intérieur, les fréquences entrant alors en résonnance avec la musique de notre cerveau, de notre âme et de notre esprit ?

Ces vibrations n’ouvrent-elles pas les voies de l’intuition, du lâcher-prise, de l’accueil, de l’exaltation ?

Jean-Sébastien Bach (1865 – 1750), qui a magnifié l’harmonie musicale, agit sur le corps autant que sur l’âme et l’esprit, à son corps défendant. Au nôtre aussi…

Les dernières recherches en neuroscience démontrent le bien fait et le bien fondé des vibrations harmoniques inventées par les compositeurs recherchant la beauté : par exemple, les vibrations harmoniques, la musique de Mozart que nous trouvons si belle, depuis des siècles, sur plusieurs continents, à travers plusieurs cultures, entre en résonnance avec les vibrations des cellules de notre cerveau.  C’est physiquement et médicalement démontré par les neurosciences, les IRM du cerveau, etc.

Cette fécondation du beau au départ d’une création musicale harmonique permet une élévation.

L’harmonie est issue directement d’un système mathématique.

Harmonia, fille d’Arès -dieu de la guerre- et d’Aphrodite -déesse de l’amour-.

Harmonia, réconcilie et englobe les contraires, et arrive à la juste proportion entre ceux-ci.

La musique était considérée au même titre que l’astronomie, la géométrie et l’arithmétique.

La musique était un passage obligé pour entendre les nombres et rendre intelligibles les lois de la nature.

La beauté en musique et la musique elle-même est un savant dosage entre les mathématiques et la métaphysique.

La Beauté en art est la porte de la Spiritualité.

Sacha Guitry : « Ce qui est merveilleux dans la musique de Mozart, c’est que le silence qui la suit est encore du Mozart ».

Peut-on évoquer la beauté sans parler de l’absence de beauté ?

A l’extrême et pour la bonne compréhension, peut-on évoquer la musique sans parler du silence ?

Le silence est préexistant à la musique et lui offre alors sa place.

Ce silence, cette absence totale de beauté, est cet écrin d’où vient le son qui créera la beauté.  Parfois jaillissement impétueux, parfois, lors de nuances pianissimo, le son au contraire vient naître du silence sans que soit audible son début. Un murmure imperceptible vient du rien et l’onde sonore arrive à soi comme une caresse, un envol impalpable : la beauté nous apparait avant de disparaitre à nouveau dans le silence et l’abîme de la réflexion introspective.

Ce silence a besoin d’être écouté, vécu, il n’est pas vide.

Le néant serait une négation du vivant, le vide comme un vertige, le silence comme une respiration, un souffle, une suspension salvatrice, une attente disponible afin de recevoir la beauté.  Ce silence permet de se recentrer, d’être à l’écoute de ses profondeurs, d’être en lien avec l’universel et, plus simplement, avec les autres.

C’est votre liberté intérieure qui a jaillit du plus profond de vous et s’est confondue avec l’infiniment grand.

Expérience magnifique, rare, la beauté vous a irradié du dedans…

Simone Weil, politique française du 20ème siècle :

« La grâce comble, mais elle ne peut entrer que là où il y a un vide pour la recevoir »

Cette beauté artistique transcendantale et spirituelle, nous pénètre lorsque nous sommes en disponibilité de la sentir nous emplir.

Georg Friedrich Haendel (1685 -1759) :

« J’aurais beaucoup de regret si j’avais seulement donné du plaisir à mes auditeurs ; je voulais les rendre meilleurs ».

Si la musique peut être bien évidemment un divertissement, un plaisir bien en-deçà de toute élévation, de toute spiritualité, ne boudons pas cet instant magique où la musique nous emmène vers la beauté, vers l’éveil, vers l’élévation que nous aspirons.

Le ressenti de beauté ouvre la porte de valeurs qui seront, seulement après, comprises, intégrées.

La beauté est le reflet de notre œil, culture, sensibilité, du moment où la beauté se dévoile.

La beauté est le reflet de notre totale subjectivité.

Cette beauté artistique est un outil afin de mieux nous relier.

La perception de la beauté, ce choc esthétique, nous emmène au-delà du visible et nous met en communion avec le mystère de la transcendance et de la spiritualité.

La beauté met de l’intemporel dans l’espace-temps.

La beauté fait entrer en nous une force de vie, une sagesse, une spiritualité et nous unis à un infiniment grand.

La Beauté pose la question de l’existence des Dieu(x) ou des dieux, ou de la seule existence des hommes et des femmes…

Lorsque cette rencontre avec la beauté a lieu, la force dégagée et l’énergie qu‘elle induit, sont magiquement durables alors que sa perception est bien souvent courte et éphémère.

Le paradoxe est posé : cette brièveté, cette fugacité de la beauté peut nous transformer durablement.

Rencontrer, reconnaître la Beauté donne force de conviction, sagesse, spiritualité, repos de l’âme et de l’esprit.

La beauté donne dans le même temps ses lettres de noblesse à la force de conviction et inspire la sagesse.

La musique et sa beauté peut s’expliquer, s’intellectualiser mais avant toute chose elle est une expérience unique qui se vit :

  • Entre soi et elle
  • Entre soi et soi
  • Entre soi et les autres, partageant un état d’ « être » changeant et insaisissable.

Chacun peut apprécier la musique quel que soit son degré de compréhension, d’assimilation.

Je nous invite à nous laisser toucher, envahir, enrichir, élever …

L’Art :

  • nous ouvre les portes secrètes de notre constante recherche du moi intérieur,
  • nous emmène dans nos plus grandes profondeurs intimes,
    • propres à chacun d’entre nous,
  • et, de la sorte, touche nos émotions dans ce qu’elles ont de plus essentiel, de plus pure ;
  • ce qui nous nourrit réellement, continuellement.

Les arts:

  • utilisent des méthodologies
  • inspirent la philosophie ou s’en inspirent
  • amènent
  • A l’interprétation
  • A l’écoute comme une absolue nécessité introspective
  • Au respect de l’autre, de sa pensée, de ce qu’il peut apporter à notre construction, pouvant ensuite rayonner au-delà de notre propre sphère
  • A une plus grande sagesse, spiritualité, tranquillité de l’âme, de l’esprit et des peuples.

– Qu’entend-on par « la beauté » en musique ? Un exemple de beauté ?

Tout dépend tellement des personnes (interprètes et auditeurs) et des circonstances (état de ces personnes ; acoustique de la salle …) ; et cette liberté est touchante.

 Par exemple, la sonate pour piano D960 de Schubert marquent souvent les spectateurs.

Exemple : https://www.youtube.com/watch?v=TKy0Lyl4g-s

Pourquoi ?

Pour beaucoup d’auditeurs, le deuxième mouvement (Andante sostenuto), le mouvement lent [1] est d’une profondeur inouïe : l’harmonie et la pureté ; un état de grâce, une sensation d’un autre part, d’un au-delà ; cela surprend, bouscule, bouleverse, questionne, intériorise.

Les auditeurs y trouvent une élévation exceptionnelle, la beauté avec une majuscule, une beauté bouleversante jusque dans le corps ; une invitation mystique.

Pour moi, les trente 1ères secondes du 1er mouvement sont tout aussi interpellant que ce mouvement lent : on y perçoit un appel, on entre dans un autre univers ; après ces 30, secondes on ressent que l’on sera bousculé dans nos certitudes.

D’autres auditeurs trouveront cette œuvre simplement belle, sans aller jusqu’à une notion spirituelle ; et, d’autres n’aurons simplement aucun ressenti par rapport à cette musique ou du simple fait de l’interprétation réalisée par l’artiste.

Beaucoup d’auditeurs apprécient les mouvements lents des œuvres suivantes ou l’entièreté de l’œuvre :

Au-delà de ces exemples, je suis généralement plus touché, plus émus, par les mouvements lents où peut se nicher, une beauté spirituelle, qui vous élève.

De fait, les mouvements lents vous amènent à la contemplation, au spirituel.

Exemple : L’Adagio de Barber (1910-1981), écrit en 1936.

https://www.youtube.com/watch?v=N3MHeNt6Yjs

En revanche, les mouvements rapides vous amènent à la joie, la volupté, la vie, l’effervescence, ils me donnent de l’énergie et plutôt cette Beauté-plaisir liée à l’instantanéité :

Des phrases cultes d’opéras peuvent également m’interloquer, provoquer une émotion dite réflective comme le « Si tu ne m’aimes pas, je t’aime (…) et si je t’aime, prend garde à toi » de « l’amour est un oiseau rebelle » dans l’opéra Carmen de Bizet

Exemple : https://www.youtube.com/watch?v=lspRhX5Vhhg .

Cependant, dans ce cas, la Beauté est « en – cadrée » par du texte comme en théâtre.

La musique instrumentale offre bien plus de libertés mais nécessite, probablement, bien plus d’imaginaire.

 

L’émotion que l’on ressent est-elle constitutive de cette beauté ?

La beauté induit une émotion pour autant qu’on soit réceptif :

  • à la musique (amusie ; une anomalie neurologique dans laquelle le rythme, la mélodie, les accordsde musique ne sont pas perçus ou n’ont pas de sens)
  • et à l’émotion (« a-émotionnel » soit l’alexithymie ou le silence des émotions ; 10 à 15 % des gens sont incapables d’exprimer leurs émotions; et, un très faible pourcentage de la population ne peut ressentir d’émotion).

La puissance de l’émotion ressentie augmente le sentiment de rencontre avec la beauté.

Il s’agit aussi d’un va et vient entre Beauté et émotions qui s’alimentent.

La Beauté qui nous transcende, qui nous bouleverse, de fait, provoque en nous un choc esthétique, un choc émotionnel.

L’inverse n’est pas nécessairement vrai.

On peut très bien être ému, éprouver du plaisir, avec un événement lié à une Beauté – plaisir qui n’offre pas cette aspiration vers un état qui nous grandit.

 

Y a-t-il des « universels » de la beauté en musique ?

(p. ex. certains airs de comptines que l’on joue partout dans le monde pour endormir les enfants sont peut-être de la beauté universelle ?)

Nous tombons souvent dans le piège des mots galvaudés et, dans le cas du mont universel, le sens même de ce mot a été détourné par une pensée souvent assez hégémonique.

Plutôt que le terme « universel », j’utiliserais plutôt le terme d’une musique « fortement répandue sur la planète ».

La terminologie « universel » est à mettre entre guillemets ; cette notion est le produit d’Etats, d’Empires hégémoniques qui considèrent leur culture comme supérieure.  Une musique, une beauté universelle écarterait toutes les autres musiques et formes de beauté ; c’est comme si seule la langue anglaise existait, comme si seule la culture américaine existait.

Certes, à contrario des arts parlés, il y a une forme d’universalité dans l’écriture de la musique classique, une écriture facilement lue par un grand nombre et qui se propage alors aisément ; tout comme la musique qui en découle.

Cependant, l’universalisme de la musique classique est relative : par exemple, elle ne s’étend pas beaucoup dans certains pays d’Afrique qui ont leurs propres musiques et codes musicaux, souvent non écrits ; l’Inde n’est pas encore fortement concerné par cette musique ; la Chine y souscrit depuis seulement quelques décennies.

Notre musique classique, certes, belle, s’est répandue dans le cadre d’une hégémonie occidentale et ensuite d’une mondialisation ; et, de nos jours, elle se répand de plus en plus sans cette hégémonie.

Certains politiques, certains citoyens qui montrent peu d’intérêt pour cet art n’ont plus conscience de cette puissance.

Notre musique occidentale a pris une forme d’universalisme grâce à son écriture qui a été fortement diffusées dans les pays occidentaux, américains et ensuite asiatiques.

Elle est codifiée tout en laissant une grande palette de possibilités sonores et d’imaginaires d’écriture, d’interprétation et d’écoutes – ce qui lui permet de se répandre aisément.

La musique classique est celle qui se rapproche le plus de l’universalisme géographique et à travers les époques.

A noter que chaque musique résulte d’une culture, d’une tradition, d’un folklore.

Il n’y a pas des « universels » de la beauté en musique parce que cela dépend trop des auditeurs, des interprètes et des moments d’émission (l’interprète est-il au mieux de ses possibilités) et de réception (sommes-nous en état de recevoir).

Dans l’exemple de la comptine, nous ne sommes pas vraiment dans le domaine de la beauté musicale mais dans l’aspect calmant, rassurant, « thérapeutique » du chant (de la mère qui chante), une forme de musicothérapie issue de la nuit des temps ; ce qui apparait faussement comme universel puisqu’il s’agit de traduire le lien par la comptine.

La beauté y est toute autre : le lien maternel.

Certaines comptines paraissent tellement universelles qu’elles deviennent des madeleines de Proust intergénérationnelles ; mais, totalement liée à la culture de la langue et en cela, les comptines perdent totalement leur caractère universel.

Cependant, le ton, la douceur, la vibration apaisante est universelle.

Ayant pris toutes les précautions d’usage sur cette notion d’universalité, il y a des œuvres instrumentales (sans barrière de langue), classiques, anciennes de plus de 300 ans, devenues universelles -c’est à dire fortement répandue-, car elles ont été utilisées à plusieurs reprises et, par exemple, à l’époque contemporaine, dans des films, téléfilms, pubs… Ces musiques s’inscrivent dans un inconscient collectif, évolutif pour des raisons diverses au fil du temps : le cinéma n’existe pas depuis 300 ans mais la Petite musique de Nuit de Mozart, repris dans les films, est devenue universelle à travers les siècles pour des raisons diverses et variées.

Exemples de musiques devenues universelles à notre époque contemporaine :

Ces deux exemples contemporains resteront-ils universels à travers les siècles ?

En revanche, c’est bien le cas de :

Ce n’est pas pour cela que ces musiques amènent à une Beauté spirituelle pour tous les auditeurs.

Et être touché dépend énormément de l’interprétation – Il y a des horreurs sur You Tube.

 

Faut-il être « initié » à la musique pour en découvrir le beau ? En gros, tout le monde peut-il avoir accès « facilement » à la beauté de la musique classique ?

Je ne crois pas qu’il faille absolument être « initié » pour ressentir la beauté.

L’habitude de l’écoute peut aider : il s’agit alors d’approfondir le matériau artistique, sonore, intemporel, mais qui ne nécessite aucune connaissance.

La première écoute peut amener tout être à la Beauté spirituelle.

Cependant, il n’est pas aisé d’avoir facilement accès à cette Beauté, que ce soit face à un paysage, une peinture, un texte, une musique.  Il faut être ouvert, prendre le temps, s’écouter, se mettre au diapason, oser ressentir le choc esthétique, oser se faire bousculer dans ses certitudes…

Le tourisme rapide ou la consommation culturelle, souvent commerciale, réalisée à toute vitesse est détestable et encore plus la société qui oblige cela par manque d’espaces de repos et de réflexion, et notamment quand l’être humain est transformé, réduit à une simple unité de re-production.

On aperçoit mais on ne regarde rien avec son corps, ses sens, son regard intérieur.

On consomme alors de la culture et de la beauté-plaisir, mais on ne goûte pas et il est difficile alors d’atteindre la Beauté-spirituelle.

Cela dit, il est possible d’être touché par le Beau, particulièrement dans la musique, sans rien connaître.

 

Tu peux aussi parler de ton sentiment propre, ce qui t’a amené à cette « beauté »…

On peut avoir des frissons en écoutant du Bach, en entrant dans la cathédrale St Paul à Londres, dans Sainte-Sophie à Istamboul, etc.

C’est alors comme une révélation, non pas religieuse, mais une révélation où nous sommes immergés dans la beauté d’un lieu, d’une architecture construite pour célébrer une transcendance.

Comment l’expliquer ?

Sans doute une sensibilité exacerbée, en recherche d’être portée hors de soi.

On peut aussi être ému devant des paysages, à l’opéra ou devant un tableau…

Je suis un peu hors normes par rapport à cette notion de Beauté.

Je suis surtout touché par une œuvre qui est interprétée par un artiste, en direct (pas en radio, TV).

Je suis difficilement touché par une œuvre statique comme une peinture.

Je suis d’autant plus touché par la musique que l’œuvre est Belle et surtout très bien interprétée par un artiste (un groupe d’artiste, un orchestre) dont je connais ses possibilités, son son, son timbre, sa profondeur, ses capacités techniques et que je vois, j’entends que cet artiste arrive au firmament de ses possibilités, cet instant où l’artiste se surpasse, où l’artiste est dans sa bulle, où nous avons l’impression que l’artiste vol au-dessus d’un espace-temps.

Les autres beautés

Il y a bien d’autres beautés où nous sentons que nous donnons du sens à notre vie, où notre vie fait sens ; ce qui est une autre transcendance.

En voici quelques exemples, parfois en images :

Les sourires du public lorsqu’il vit, en communion, un instant magique avec les artistes.

Les sourires du public et ses applaudissements.

Exemples : cf. les 20 captations diffusées sur Télé-MB.

Et, https://www.orcw.be/cmireb-2017/ ou encore https://www.orcw.be/insolites/

Les sourires et l’éveil artistique des enfants quand on va jouer dans les écoles.

https://www.orcw.be/orcw-for-kids-accueil/

Les sourires des prisonniers quand on libère leur imaginaire en jouant dans les prisons.

https://www.orcw.be/concert-a-la-prison-de-lantin/

Les sourires des patients Covid et autres lorsqu’on va dans les hôpitaux afin de jouer et de donner un moment d’évasion en pleine période de Covid et de fermeture des hôpitaux.

https://www.orcw.be/epicura-orcw-et-umons-musicotherapie-personnel-soignant/

Le sourire des personnes âgées dans les homes qui vivent probablement leur dernier concert, parfois avec leurs enfants, petits-enfants et bien souvent arrière-petits-enfants.

https://youtu.be/Kc_XSPcQ2BQ ; https://youtu.be/Gy9YlSQORvg

Les sourires des grands solistes et chefs internationaux heureux d’avoir créés avec les musiciens des moments hors normes.

LES sourires et la connivence des artistes qui viennent de terminer une œuvre ou un passage difficile, ou qui viennent de vivre un moment d’extase artistique, des artistes qui ont eu la larme à l’œil du fait de leur interprétation et du fait de LA BEAUTE QU’ILS ONT CREES ET ATTEINTES EUX-MEMES.

Que notre métier est tout simplement Beau

 

Laurent Fack, Directeur Général de l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie

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