Vahan Mardirossian, comment êtes-vous venu à la musique ?
Selon les dire de ma mère, dès ma naissance je m’endormais avec la musique de Mozart. Je me rappelle que dès que j’ai su faire fonctionner tout seul le disque platine, vers l’âge de deux-trois ans, je faisais tourner en boucle le concerto pour violon de Mendelssohn sous les doigts de Heifetz et la 5e symphonie de Beethoven par Furtwängler.
Mon père, radio-physicien, désirait que je fasse les études scientifiques et que m’engage dans une carrière en suivant ses pas. En remarquant que je chantais juste pour un enfant, ma mère – qui étant petite n’avait pas eu la chance que ses parents la poussent vers les métiers artistiques, alors qu’elle était très douée – m’a emmené dans une école de musique, dans le but que j’acquière une culture musicale et non pour devenir professionnel. Après cela, tout est allé très vite. Premier concert et une tournée à travers l’Arménie trois mois plus tard (avec les élèves de l’école) et premier récital complet neuf mois après avoir commencé le piano.
Moi – je voulais devenir chef d’orchestre, j’étais impressionné par les orchestres que je voyais à la télé et dans les salles de concerts, mais on m’avait expliqué que pour cela il fallait apprendre un instrument. Du coup, comme nous avions un piano à la maison, on m’a inscrit dans la classe de piano. Par la suite j’ai appris également le hautbois pour avoir une idée ce qu’est un instrument à vent.
Que représente la musique pour vous ?
Mon oxygène et ma raison de vivre.
Pouvez-vous nous parler de votre histoire avec la musique depuis vos 7 ans, de vos expériences de concertiste, de votre développement en tant que chef d’orchestre et directeur musical ?
Comme j’ai dit précédemment, je me suis retrouvé sur une scène très rapidement. Je me rappelle encore le bonheur que j’ai eu de jouer devant les gens. Je n’avais pas peur du tout et j’étais très fier qu’à la fin le public m’ait applaudi. Je crois que c’est à ce moment que j’ai compris que je voulais faire de la musique mon métier, en me disant que je ne trouverais aucun autre métier dans lequel une fois que vous avez terminé de travailler on vous applaudit. Depuis ce jour, j’ai été très souvent sur une scène, j’ai fait mon premier récital, mes débuts avec l’Orchestre de Chambre des Jeunes (dont des années plus tard je suis devenu le Directeur Musical), gagné quelques concours des jeunes interprètes et jeunes compositeurs, représenté l’Arménie à travers les tournées dans les pays de l’ex-URSS. La musique est mon oxygène et ma raison de vivre.
Vers 14 ans, j’avais monté avec mes amis l’Orchestre de Chambre des Jeunes, qui a très rapidement été pris sous l’aile de Centre Culturel d’Erevan. C’est ainsi que j’ai été embauché comme directeur musical de cet orchestre, alors que j’étais encore écolier. L’orchestre a existé jusqu’à mon départ pour la France trois ans plus tard.
Comment abordez-vous une partition? Vous écoutez ? Vous vous faites votre propre vision sans écouter?
Il est très important pour moi d’apprendre une œuvre par le biais de la partition, car dans ce cas je suis en lien direct avec l’auteur – personne ne m’impose sa vision de l’œuvre. Par la suite, une fois que je la maitrise, j’aime bien d’écouter plusieurs versions pour voir ce que les autres ont trouvé dans ces pages. Ce qui est impressionnant, c’est de voir la diversité des lectures du même texte par des personnes différentes. C’est là la vraie richesse de notre métier. Je peux m’inspirer des idées des autres et, après les avoir digérées, faire une autre version – la mienne.
Faites-nous découvrir l’Arménie, votre Arménie?
La mémoire de mon ordinateur ne suffirait pas pour vous parler de l’Arménie. Je pourrais vous dire que c’est le berceau de la chrétienté, un pays magnifique où on peut encore voir des vestiges d’une civilisation ancienne à côté des constructions modernes, je pourrais vous montrer les photos de mont Ararat sur lequel serait enterrée l’arche de Noé, je pourrais vous expliquer le goût de l’abricot et des fruits en général, je pourrais vous parler du soleil et des montagnes… tout cela ne sera qu’une pâle copie de ce que vous pourriez voir une fois sur place. Le mieux – c’est de la visiter.
Votre développement et votre expérience dans les pays asiatiques et la toute dernière à Hong Kong ?
Mon premier voyage en Asie a eu lieu dans les années 2000, quand j’ai foulé le sol du Japon. Impressionnant. Depuis, je retourne là-bas avec un plaisir inimaginable. Je suis tout simplement heureux dans ce pays. Tout m’étonne là-bas. La plus petite ville de province a des salles de concert incroyables, des orchestres, un public fidèle et attentif. J’ai fait mes premières tournées en tant que pianiste et, petit-à-petit, j’ai bifurqué sur la direction d’orchestre. Aujourd’hui j’effectue 3-4 voyages par an au Japon pour travailler avec des orchestres majeurs du pays.
Hong Kong, c’est différent. J’ai visité Hong Kong pour la première fois l’année dernière pour diriger le City Chamber Orchestra of Hong Kong. Très récemment, j’ai reçu la proposition de devenir leur chef principal, ce que j’ai accepté avec plaisir. C’est encore tout nouveau pour moi et je pourrai vous en parler plus un peu plus tard.
Votre découverte de la France et de la francophonie, du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP )?
Mon avion à atterri à Paris le 14 octobre 1992. C’était mon premier voyage en France et je ne l’ai plus jamais quittée. La France m’a accueilli et est devenue ma deuxième patrie. Vu mon jeune âge (17ans), je n’ai pas eu de difficulté à m’imprégner de la culture française, de ses traditions, de sa langue. Depuis mon enfance, je suis très intéressé par l’histoire de France, j’avais lu tout Dumas, tout Jules Verne (en russe bien sûr), je connaissais la vie des Rois de France… Donc vous comprendrez très aisément mon excitation quand je me suis retrouvé en plein cœur de Paris, dans le jardin des Tuileries – d’un côté le Louvre, de l’autre la place de la Concorde – la tour Eiffel au loin…
J’ai été reçu au Conservatoire Supérieur de Région de Paris dans la classe de piano d’Olivier Gardon, puis un an plus tard dans la classe de Jacques Rouvier au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Trois ans plus tard, après avoir obtenu le premier prix de piano, j’ai intégré la classe de perfectionnement : deux ans d’études.
Pourquoi vouloir être Directeur musical ?
Fort de vos expériences passées… quels sont vos rêves pour l’ORCW, pour ses musiciens?
J’ai toujours aimé construire quelque chose. Le travail de Directeur musical est très différent de celui d’un chef invité, qui ne construit rien. Il arrive, on lui fournit le matériel (l’orchestre), il essaye de faire de son mieux avec et il s’en va. Si l’orchestre ne joue pas bien une semaine après, c’est n’est plus son problème.
Le Directeur musical, c’est différent. Le travail de Directeur musical est un travail de fond. Tout est fait dans la durée, tout est pensé pour le futur, tout est construit. Et c’est extrêmement jouissif de chercher des solutions aujourd’hui pour que demain ça aille mieux. Ces 9 derniers années, j’ai été chef principal de l’Orchestre de Caen et le Directeur musical de l’Orchestre National de Chambre d’Arménie, et je me sentais avec eux en famille, donc responsable.
Je désirerai avoir les mêmes relations avec les musiciens de l’ORCW que j’ai eu avec eux. Nous allons former une unité ensemble. Nous allons être « un » et nous entraider mutuellement. J’ai encore tant de choses à apprendre, et j’espère que l’orchestre me donnera de quoi réfléchir, de quoi chercher et de quoi s’améliorer.
(Photo : Vahan Mardirossian © V. Mardirossian)
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Octobre 2019