Femmes, femmes, femmes !

COUVERTURECe concert est consacré aux femmes artistes, en hommage à la fondatrice de l’orchestre, Lola Bobesco. Les musiciennes de l’ORCW, Isabelle Bonesire, Isabelle Scoubeau, Anne Pingen et Edith Baugnies interpréteront les œuvres de quatre compositrices : le Quatuor à cordes d’Henriette Bosmans, Sicilienne (arrangement pour violon solo et trois cordes) de Maria Theresia Von Paradis, le Quatuor à cordes n°3 d’Elizabeth Maconchy et le Quatuor de Fanny Mendelsshon.

Ce programme « Femmes, femmes, femmes » est ponctué  par la lecture de textes érotiques écrits par des femmes, sélectionnés par Cécile Van Snick, comédienne, metteur en scène et directrice de l’Atelier Théâtre Jean Vilar de Louvain-la-Neuve.

Avec :

Isabelle Bonesire et Isabelle Scoubeau, violon
Anne Pingen, alto
Edith Baugnies, violoncelle
Une comédienne


 En hommage à Lola BobescoLola-Bobesco

En 1958, Lola Bobesco crée « Les Solistes de Bruxelles ». En 1969, la formation s’établit à Mons. Dans le cadre du partage des organismes musicaux de Wallonie-Bruxelles, elle prend le nom de « Orchestre de Chambre de Wallonie » et devient un orchestre de chambre officiel subventionné par le Ministère de la Culture, puis par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le  titre de « Société Royale » lui est octroyé le 7 juillet 1993, soit 35 ans après sa création, bien avant la limite royale minimale de 50 ans.

Lola Bobesco, grande violoniste, l’une des meilleures virtuoses de sa génération, s’est éteinte le 4 septembre 2003. D’origine roumaine, enfant prodige, elle avait choisi la Belgique au lendemain de la guerre comme terre d’adoption.

Lola Bobesco est née le 9 août 1920 à Craiova, en Roumanie, dans une famille où plusieurs générations se sont illustrées dans divers domaines artistiques (musique, littérature, théâtre). Elle reçoit très jeune une formation musicale dispensée par son père Aurel. à cinq ans, elle donne son premier concert.

Elle entre au Conservatoire de Paris dans la classe de violon de Jules Boucherit. Elle étudie principalement avec son assistant Marcel Chailley qui la fait travailler, ainsi que ses autres meilleurs élèves, durant les vacances, dans la propriété de la famille Chailley à Seignelay (Yonne).

Elle quitte le Conservatoire en 1934, à l’âge de 13 ans, un 1er prix de violon en poche et débute sa carrière la même année aux Concerts Colonne, sous la direction de Paul Paray. Elle n’a pas encore atteint sa quinzième année  qu’elle joue, le 3 mars 1935, le Concerto roumain de Stan Golestan, sous la direction de Philippe Gaubert au concert de la Société des Concerts du Conservatoire. Le 16 février 1936, elle est violon solo dans la Symphonie espagnole de Lalo.

En 1937, elle est lauréate du « Concours Eugène Ysaÿe », premier concours réservé aux violonistes, tout nouvellement organisé par la Fondation musicale Reine Elisabeth et dont le 1er prix est décerné cette année-là à David Oistrakh. « Jeune et brillante artiste, infiniment séduisante », grâce à l’éclat de ses interprétations Lola Bobesco conquiert rapidement un public international. En tant que soliste, elle joue sous la baguette des plus grands chefs d’orchestre du moment : Klemperer, Böhm, Ansermet, Paray, Kempe… et pratique également la musique de chambre en duo, avec le pianiste Jacques Genty qui sera son mari, et avec les « Solistes de Bruxelles », devenus plus tard l’ Orchestre royal de chambre de Wallonie, qu’elle dirige jusqu’en 1979.

Installée en Belgique après la seconde guerre mondiale, elle adopte la nationalité de son pays d’accueil, enseigne au Conservatoire de Liège et de Bruxelles, s’essaye au théâtre, siège au « Concours Reine Elisabeth » et en 1981, est sacrée « meilleure violoniste féminine au monde » par le  » Japan Music journal « .

Excellente interprète du grand répertoire classique allemand, autrichien et italien : Bach, Beethoven, Mozart, Schubert, Mendelssohn, Brahms, Vivaldi et Viotti, Lola Bobesco n’en dédaigne pas pour autant les compositeurs français qu’elle a également enregistrés, tels Jean-Marie Leclair, Lalo, Fauré, Pierné, Lekeu, Debussy, Marcel Delannoy…, ainsi que les belges auxquels elle a consacré plusieurs disques.


Les musiciennes de l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie

BONESIRE-IsabelleIsabelle Bonesire, violon

Née en 1969 dans une famille de musiciens amateurs, Isabelle Bonesire commence le violon à l’âge de trois ans.

Diplômée des Conservatoires de Bruxelles, Utrecht et Amsterdam, elle se perfectionne ensuite avec les maîtres Gérard Poulet (France), Herman Krebbers et Viktor Lieberman (Pays-Bas) et Igor Ozim (Cologne).

Elle participe à de nombreux Concours et Prix, dont les Concours Jeunes Talents, Gunther, et de Bériot. Au Conservatoire Royal de Bruxelles, elle gagne le Prix Darche, la Bourse Horlait-Dapsens et huit prix divers. Elle est lauréate du Concours National pour la Jeunesse du Crédit Communal pour le violon en (1982) et pour le piano (1984), de la Fondation de la Vocation (1989), du Fonds Félix Godefroid (1988), du Prix Edouard Deru (1989), du Concours Tenuto (BRT, 1988), des concours de Murcia (1985), Vienne (1985), Londres (1986 – Carl Flesch) et enfin première lauréate du concours 1989 OSE – SWU (Liège).

Elle s’est produite en soliste avec le London Symphony Orchestra, le London Players Orchestra, l’Orchestre Philharmonique de Liège, l’Orchestre National de Belgique, l’Orchestre International de Murcia…

Elle enseigne le violon et la lecture musicale au Conservatoire Royal de Musique Bruxelles.

En 1990 (25 ans), Isabelle Bonesire est entrée à l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie comme premier violon.

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SCOUBEAU-IsabelleIsabelle Scoubeau, violon

Isabelle Scoubeau obtient, au Conservatoire Royal de Mons, le diplôme supérieur de violon avec Grande Distinction (juin 1993  – Professeur : Philippe Koch) et le diplôme supérieur de musique de chambre avec Grande Distinction (juin 1994 – Professeur : Claude Vinchent).

De 1989 à 1996, elle effectue des interims pour les cours de violon aux académies de Soignies et d’Enghien. Elle est professeur de violon à l’académie de Rixensart et à l’école « Fréquence Musicale » d’Enghien.

Elle a travaillé régulièrement avec l’orchestre de la RTBF (Radio Télévision Belge Francophone), l’ONB (Orchestre National de Belgique), RTL (Radio Télévision Luxembourg), sous la baguette de chefs comme Vandernoot, Rodan, Zollman, Octors, Hager, … dans le cadre de plusieurs tournées internationales, notamment en Allemagne, Yougoslavie, Italie, Autriche, etc.

Elle s’est produite en soliste avec le Jeune Orchestre de Chambre de Wallonie, l’Orchestre Symphonique de Beloeil, …

En  juin 1993 (21 ans), Isabelle Scoubeau est entrée à l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie comme second violon.

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PINGEN-AnneAnne Pingen, alto

Anne Pingen obtient ses diplômes supérieurs de violon et de musique de chambre au Conservatoire Royal de Mons.

En 1977, elle est lauréate du Concours Pro Civitate, ce qui l’amène déjà à se produire en soliste en Belgique et à l’étranger. Elle devient rapidement chargé de cours de violon et de musique de chambre au Conservatoire Royal de Mons.

Passionnée de musique de chambre, elle entre en 1982 (33 ans) à l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie, alors sous la direction de Philippe Hirshhorn, au pupitre de soliste des seconds violons.

En 1990, elle passe au pupitre d’alto solo de l’orchestre, ce qui lui permet de se produire régulièrement en soliste, notamment sous la direction de chefs réputés comme Jean-Pierre Wallez et Georges Octors.

Depuis 20111, elle est chef de pupitre des alti.

Anne Pingen est membre de l’ensemble  Rosamunde, directrice de l’Ecole de musique de Lasne, programmatrice des concerts au Château de Chimay et des futures Nuits Magiques de Pairi Daiza (60 concerts) (60 concerts)

Elle joue sur un alto Giambattista Guadagnigni de 1743.

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BAUGNIES-EdithEdith Baugnies, violoncelle

Née le 16 février 1969, Edith Baugnies commence ses études musicales au Conservatoire de Tournai où elle obtient la médaille du Gouvernement pour le violoncelle en 1986.

Au Conservatoire Royal de Bruxelles, elle obtient un premier prix ainsi qu’un diplôme supérieur de violoncelle dans la classe d’Edmond Baert.

En juin 1992, elle obtient un premier prix de musique de chambre dans la classe d’André Siwy.

Elle se distingue en recevant les prix « Père Sury » et « Comte de Kerkhove de Denterghem ».

Elle joue régulièrement aussi bien en orchestre qu’en musique de chambre, et fait notamment partie de l’ensemble Rosamunde.

En 1993 (22 ans), Edith Baugnies est devenue membre de l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie.


Les compositrices
 BOSMANS-HenrietteHenriëtte Bosmans

Amsterdam, 1895 – Amsterdam, 1952
Compositrice et pianiste.

Henriëtte Bosmans a développé son oeuvre dans un style moderne, inspiré notamment par Debussy et d’autres pionniers. Elle réussi cependant à trouver sa propre voie. De William Piper son professeur, elle a pris l’usage de la polytonalité qui donne à sa musique une couleur principalement impressionniste.

Henriëtte Bosmans naît dans une famille de musiciens professionnels. Son père, Henri Bosmans, mort alors quelle était âgée de six mois, était premier violoncelle du Concertgebouw et sa mère, Sarah Bosmans-Benedicts, enseigne le piano au conservatoire d’Amsterdam. Elle apprend le piano avec sa mère et devient elle-même professeur de piano à lâge de 17 ans. Elle se produit dès lors régulièrement au Concertgebouw.

À partir de 1914, elle compose pour le piano et,en 1919, sa Sonate pour violon est jouée en public. Elle écrit principalement la musique de chambre et, après ses études, commence à écrire de la musique orchestrale, souvent avec un violoncelle soliste.

Dans les années 1920 elle se produit en Europe, jouant avec Monteux, Mengelberg et Ansermet. Au Concertgebouw, elle donne 22 représentations de 1929 à 1949.

De 1927 à 1930, elle suit les cours d’instrumentation de Willem Pijper qui tente de dynamiser la création de style moderne dans le pays et forme de nombreux compositeurs. Elle lui dédie son Quatuor à cordes.

En 1934, elle se fiance avec Francis Koene, violoniste avec qui elle joue souvent. À son décès, Henriëtte Bosmans, sous le choc, arrête de composer plusieurs années. En 1941, l’occupant lui interdit toute activité, parce qu’elle est demi-juive.

Après la guerre, elle compose de nombreuses oeuvres et collabore à plusieurs journaux. Elle entretient une correspondance avec des collègues, tel Benjamin Britten.

Le 30 avril 1952, après un concert où elle accompagne la chanteuse française Noémie Pérugia avec qui elle formait un duo depuis quelques années, elle s’écroule brutalement. Le 2 juillet 1952, à 56 ans, elle meurt d’un cancer de l’estomac. Elle a été enterrée au cimetière Zorgvlied  à Amstedam.

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VON-PARADIS-Maria-teresa

Maria Theresia von Paradis

Vienne, 1759 – Vienne, 1824
Compositrice, pianiste, organiste et cantatrice autrichienne.

Fille du secrétaire de la cour impériale, Josef Paradis, Maria Theresia perd la vue à cinq ans. Elle reçoit malgré tout une formation musicale étendue chez Léopold Kozeluch (piano), Vicenzo Righini (chant), Antonio Salieri (chant, composition), l’abbé Vogler (composition).

Célèbre pianiste et chanteuse, elle se produit en public à Vienne et dans les grandes villes européennes. Parmi ses admirateurs, Salieri lui dédie un concerto pour orgue et Wolfgang Amadeus Mozart, son Concerto pour piano n°14 (K 456).

Elle fonde à Vienne un institut musical pour jeunes filles où elle enseignera.

Pour écrire la musique, elle utilise son propre système de notation complexe.

Elle compose des concertos pour piano, de la musique de chambre, des lieder et des cantates, ainsi que des opéras, des opérettes et de la musique de théâtre.

Sa Sicilienne est toujours, à l’heure actuelle, une pièce de concert appréciée.

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MACONCHY-Elizabeth

Elizabeth Maconchy

Broxbourne, UK, 1907 – Norwich, UK, 1994
Compositrice et pédagogue britannique

Née de parents d’origine irlandaise, elle prend d’abord des leçons privées de piano, d’harmonie et de contrepoint, avant d’étudier de 1923 à 1927 au Royal College of Music de Londres, avec Charles Wood puis Ralph Vaughan Williams pour la composition, et Arthur Alexander pour le piano. Elle poursuit sa formation en 1929, à Prague (Tchécoslovaquie) avec Karel Jirák et à Vienne (Autriche). L’année suivante (1930), son Concertino pour piano et petit orchestre, composé en 1928, est créé à Prague par l’Orchestre philharmonique de la ville, sous la direction de Jirák, avec Erwin Schulhoff au piano.

Lors de son séjour en Europe centrale, elle découvre la musique de Béla Bartók, Alban Berg et Leoš Janáček qui influenceront (de même que Vaughan Williams) ses propres compositions, lesquelles resteront tonales. Comme Bartók, elle est l’auteur d’un corpus important de quatuors à cordes, treize en tout s’échelonnant de 1933 à 1984. On lui doit aussi des pièces pour instrument solo (dont le piano), d’autres œuvres de musique de chambre, de la musique avec orchestre (dont plusieurs concertinos), des œuvres chorales et/ou avec voix soliste(s) (dont des opéras).

Outre ses activités de compositrice, elle sera aussi professeur de musique au King’s College de Londres, à partir de 1947.

Elizabeth Maconchy a été anoblie en 1987.

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MENDELSSOHN-Fanny

Fanny Mendelsshon 

Hambourg, 1805 – Berlin, 1847

« La musique deviendra peut-être pour lui (Félix) son métier, alors que pour toi elle doit seulement rester un agrément mais jamais la base de ton existence et de tes actes […] Demeure fidèle à ces sentiments et à cette ligne de conduite, ils sont féminins et seulement ce qui est féminin est un ornement pour ton sexe. »

Lettre d’Abraham Mendelssohn à sa fille Fanny, 16 juillet 1820

Élevée dans l’atmosphère cultivée de l’intelligentsia berlinoise, elle reçoit une excellente éducation de sa mère, puis étudie le piano et la composition. Très tôt, comme son frère Félix, elle manifeste des dons musicaux. Son père et ensuite son frère l’empêcheront néanmoins de se consacrer totalement à sa première passion, la musique. Ainsi Abraham Mendelssohn écrivit à sa fille le 16 juillet 1820 : « La musique deviendra peut-être pour lui (Félix) son métier, alors que pour toi elle doit seulement rester un agrément mais jamais la base de ton existence et de tes actes […] Demeure fidèle à ces sentiments et à cette ligne de conduite, ils sont féminins et seulement ce qui est féminin est un ornement pour ton sexe ».

Elle épouse en 1829 le peintre Wilhelm Hensel, dont elle aura un fils, Sebastian. À partir de 1843, elle supervise les concerts du dimanche matin à l’Elternhaus (orphelinat) de Berlin. Elle meurt d’une crise d’apoplexie à l’âge de 41 ans.

Elle fait partie des rares femmes compositrices de renom au 19e siècle, avec Hélène de Montgeroult, Clara Schumann et Louise Farrenc. Il est à noter que, d’après la pianiste Françoise Tillard, six des lieder de jeunesse de son frère Felix (dont Sehnsucht – Nostalgie – et Italien) ont en réalité été composés par Fanny, comme Felix le reconnaissait lui-même.

 

Le programme

Henriëtte Bosmans
(Amsterdam, 1895 – Amsterdam, 1952)

Quatuor à cordes

1. Allegro molto moderato
Marie Nizet (Bruxelles, 1859 – Etterbeek, 1922) : « La torche »

2. Lento
Marie-Josèphe : « Sado-Blues »

3. Allegro molto
Marguerite Burnat-Provins (Arras, 1872 – Grasse, 1952) : « Laisse-moi crier »

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Maria Theresia von Paradis
(Vienne, 1759 – Vienne, 1824)

Sicilienne en mi bémol majeur / Arrangement pour violon solo et 3 cordes

Nicole Gerhardt : « Les chemins de l’impossible »

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Elizabeth Maconchy
(
Broxbourne, UK, 1907 – Norwich, UK, 1994)

Quatuor à cordes n° 3 opus 15

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P A U S E

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Fanny Mendelsshon
(Hambourg, 1805 – Berlin, 1847)

Quatuor en mi bémol majeur

1. Adagio ma non troppo

2. Allegretto
Marguerite Duras (Saïgon, 1914 – Paris, 1996) : « L’Amant » (extrait 1)

3. Romanze
Marguerite Duras (Saïgon, 1914 – Paris, 1996) : « L’Amant » (extrait 2)

4. Allegro molto vivace

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Textes :

Marie Nizet (Bruxelles, 1859 – Etterbeek, 1922) : La torche
Marie-Josèphe : Sado-blues
Marguerite Burnat-Provins (Arras, 1872 – Grasse, 1952) : Laisse-moi crier
Nicole Gerhardt : Les chemins de l’impossible
Marguerite Duras (Saïgon, 1914 – Paris, 1996) : L’Amant

Les textes
Marie Nizet
Marie Nizet, née le 19 janvier 1859 à Bruxelles et morte à Etterbeek le 15 mars 1922, est une romancière et poètesse belge

Marie Nizet, née le 19 janvier 1859 à Bruxelles et morte à Etterbeek le 15 mars 1922, est une romancière et poètesse belge. Fille de François-Joseph Nizet, docteur en droit, conservateur adjoint de la Bibliothèque royale et poète à ses heures, elle côtoya chez son père de nombreux étudiants, dont des slaves et balkans. Elle prend fait et cause pour la Roumanie, alors opprimée par l’Empire russe, et publie des poèmes à partir de 1877, qu’elle regroupe en 1878 dans România (Chants de la Roumanie). Passionnée par le folklore roumain, elle publie en 1879 Le Capitaine Vampire (qui eut une importante influence sur Bram Stoker lors de l’écriture de Dracula, paru en 1897).

Un recueil posthume paraît en 1923, réunissant des poèmes amoureux et passionnés dédiés à son amant Cecil Axel-Veneglia, dont La Bouche et La Torche.

La torche (extraits)

 

Je vous aime, mon corps, qui fûtes son désir,

Son champ de jouissance et son jardin d’extase

Où se retrouve encore le goût de son plaisir

Comme un rare parfum dans un précieux vase.

 

Je vous aime, mes bras, qui mettiez à son cou

Le souple enlacement des languides tendresses.

Je vous aime, mes doigts experts, qui saviez où

Prodiguer mieux le lem frôlement des caresses ….

 

Je vous aime, ma chair, qui faisiez à sa chair

Un tabernacle ardent de volupté parfaite,

Et qui preniez de lui le meilleur, le plus cher,

Toujours rassasiée et jamais satisfaite …

 

Je suis le temple vide où tout culte a cessé

Sur l’inutile autel déserté par l’idole.

Je suis le feu qui danse à l’âtre délaissé

brasier qui n’échauffe rien, la torche folle …

 

Ni sa beauté de jeune dieu qui la première

Me tenta, ni ses yeux – ces deux caresses bleues -,

Ni son cou ni ses bras, ni rien de ce qu’on touche,

Ni rien de ce qu’on voit de lui ne vaut sa bouche.

 

Où l’on meurt de plaisir et qui s’acharne à mordre.

Sa bouche de fraîcheur, de délices, de flamme,

Fleur de volupté, de luxure et de désordre,

Qui vous vide le cœur et vous boit jusqu’à l’âme.

 

Nous sommes plus mêlés l’un à l’autre aujourd’hui

Que le mercure et l’or réduits en amalgame.

Et l’on ne peut pas plus me séparer de lui

Que l’arbre de l’écorce et que l’air de la flamme …

 

Je suis le lin du drap dont on fit son linceul,

Le bois de son cercueil, la dalle de sa tombe

Où j’ai muré mon âme afin qu’il soit moins seul

Dans ce définitif silence où tout retombe.

 

Son cœur mort et le mien tiennent au même fil.

Il est ma longue nuit, ma ténébreuse aurore,

Mon cerveau défaillant; même l’oubliât-il,

Que mon sang et ma chair s’en souviendraient encore!

Marie-Josèphe

On ne sait pas grand chose sur la vie de cette auteure.

Deux recueils de poésies et nouvelles sont parus sous le nom de Mademoiselle Marie-Josèphe :

  • Les Yeux cernés (Ed. Debresse – 1955), écrit sous le parrainage de Tristan Corbière et de Renée Vivien ; et qui fut récompensé par le prix Max-Jacob
  • La dent du devant (1957)

Pour l’anecdote, on a également d’elle une lettre adressée en mars 1963 à André Breton pour lui présenter un nouveau manuscrit et où elle écrit : « Je vous rappelle que nous nous sommes déjà rencontrés, ce chez un « ami » qui pour moi n’est plus qu’un souvenir (assez déprimant) à savoir, le narcissisme Léo Ferré aujourd’hui vedette alimentaire sur les murs de la Capitale dite des douleurs* ».

* référence au recueil Capitale de la douleur de Paul Eluard

Sado-Blues.

Je l’atelle et l’étale et l’étiole et la tend
Le fouet fou fait fi de son dos de soie fait
Et la belle ébahie bêle et bat et balaie
de ses mains décimées volet, voile et volants.

Ses seins saisis sont si saisissants sans soutien
Son corps équarri si coulant, callé, collant
Son babil bâillonné si bouillonnant, si bien
que j’en mords en mourant mon remords et mon rang

Sexe assis, sexe haussé, sexe hissé, sexe assez!
sexe aussi exaucé, sexe à six axes oh
le beau bouchon de bouche abouchée allez chez
0, on y a des ah, non des hue, non des ho !

Moi j’attelle et dis hue et dis ho et dis dia
la jument je m’en joue et ma joie est mon joug
oh l’étoile étalée à l’étal étends-la
qu’on l’admire en mirant, l’œil glacé, le cœur fou.

Marguerite Burnat-Provins

Marguerite Burnat-Provins est née à Arras en 1872 et meurt à Grasse en 1952. D’une famille aisée, elle accomplit des études artistiques à Paris avant d’épouser, en 1896, un architecte de Vevey, Adolphe Burnat. C’est le début d’un séjour de quelques douze années en Suisse romande pendant lesquelles elle peint et écrit. En 1905, elle crée la Ligue pour la beauté, futur Heimatschutz, aujourd’hui Patrimoine suisse.

Son mariage avec Adolphe est rompu en 1908, événement à l’origine de son départ définitif de la Suisse. Remariée à Paul de Kalbermatten, ingénieur valaisan, pour qui elle a écrit, en 1907, Le Livre pour toi, cent poèmes en prose d’une grande beauté, elle connaît bien des demeures éphémères, et goûte aux splendeurs de l’Orient (Syrie, Liban) et de l’Afrique du Nord, en particulier du Maroc, qui sera un temps son pays d’élection et animera ses rêveries exotiques. Puis elle se retire au Clos des Pins, à Grasse, où elle passe ses dernières années.

Son oeuvre d’écrivain est forte d’une vingtaine de volumes de proses poétiques, tandis que son oeuvre de peintre comporte des tableaux de la vie rurale proches de ceux de l’école de Savièse en Valais (elle était une intime d’Ernest Biéler), des compositions décoratives et, à partir de 1914, près de trois mille dessins étranges nés d’hallucinations récurrentes.

Laisse-moi crier

Laisse-moi crier : Encore ! Encore !
Je ne suis pas la sœur de ces femmes aux yeux glacés
Qui se taisent.
Je tends mes mains impérieuses pour tordre et pour broyer,
La bouche vorace pour goûter aux essences enivrantes…

Je darde mes prunelles volontaires sur la vie, sur l’amour et,
Sur toi, je jette mon désir comme le pêcheur, dans la rivière,
Lance le circulaire épervier.
Jamais je ne serai rassasiée de ta chair lumineuse.
Ne me dis rien. Etends les bras.
Laisse-moi crier.

Je dirai l’emprise de tes mains longues
Qui font à ma taille une ceinture frémissante,
Je dirai ton regard volontaire
Qui anéantit ma pensée,
Ta poitrine battante soudée à ma poitrine
Et tes jambes aussi fermes que le tronc de l’érable
Où les miennes s’enroulent,
Comme les jeux onduleux des houblons …

Marguerite Duras

« Écrire c’est aussi ne pas parler. C’est se taire. C’est hurler sans bruit. » (Écrire, 1993)

De son vrai nom Marguerite Donnadieu, Marguerite Duras est née le 4 avril 1914 à Saïgon, alors en Indochine française, d’une mère institutrice et d’un père professeur de mathématiques qui meurt en 1921. Elle s’installe en France en 1932, épouse Robert Antelme en 1939, et publie son premier roman, Les Impudents, en 1943, sous le pseudonyme de Marguerite Duras.

Résistante pendant la guerre, communiste jusqu’en 1950, participante active à Mai 68, c’est une femme profondément engagée dans les combats de son temps, passionnée, volontiers provocante, et avec aussi ses zones d’ombres.

Elle est un temps rattachée au mouvement du Nouveau Roman, même si son écriture demeure très singulière, de par sa musique faite de répétitions et de phrases déstructurées, de trivialité et de lyrisme mêlés. Les thèmes récurrents de ses romans se dégagent très tôt : l’attente, l’amour, l’écriture, la folie, la sexualité féminine, l’alcool, notamment dans Moderato cantabile (1958), Le Ravissement de Lol V. Stein (1964), Le Vice-Consul (1966). Elle écrit aussi pour le théâtre et pour le cinéma. Dans tous ces domaines c’est une créatrice novatrice, et de ce fait souvent controversée. Elle rencontre assez tardivement un immense succès mondial, qui fait d’elle l’un des écrivains vivants les plus lus, avec L’AmantPrix Goncourt en 1984. Elle est morte à Paris le 3 mars 1996.

Marguerite Duras est aujourd’hui reconnue comme un des auteurs majeurs du 20e siècle, et fait l’objet de nombreuses études en France comme à l’étranger.

L ‘Amant (extraits)

« Je me souviens bien, la chambre est sombre, on ne parle pas, elle est entourée du vacarme continu de la ville, embarquée dans la ville, dans le train de la ville. Il n’y a pas de vitres aux fenêtres, il y a des stores et des persiennes. Sur les stores on voit les ombres des gens qui passent dans le soleil des trottoirs. Les claquements des sabots de bois cognent la tête, les voix sont stridentes, le chinois est une langue qui se crie comme j’imagine toujours les langues des déserts, c’est une langue incroyablement étrangère.

C’est la fin du jour dehors, on le sait au bruit des voix et à celui des passages de plus en plus nombreux, de plus en plus mêlés. C’est une ville de plaisir qui bat son plein la nuit. Et la nuit commence maintenant avec le coucher du soleil.

Le lit est séparé de la ville par ces persiennes à claire-voie, ce store de coton. Aucun matériau dur ne nous sépare des autres gens. Eux, ils ignorent notre existence.

Des odeurs de caramel arrivent dans la chambre, celle des cacahuètes grillées, des soupes chinoises, des viandes rôties, des herbes, du jasmin, de la poussière, de l’encens, du feu de charbon de bois, le feu se transporte ici dans des paniers, il se vend dans les rues, l’odeur de la ville est celle des villages de la brousse, de la forêt.

Je l’ai vu tout à coup dans un peignoir noir. Il était assis, il buvait un whisky, il fumait.

Il m’a dit que j’avais dormi, qu’il avait pris une douche. J’avais à peine senti le sommeil venir. Il a allumé une lampe sur une table basse.

C’est un homme qui a des habitudes, je pense à lui tout à coup, il doit venir relativement souvent dans cette chambre, c’est un homme qui doit faire beaucoup l’amour, c’est un homme qui a peur, il doit faire beaucoup l’amour pour lutter contre la peur. Je lui clis que j’aime l’idée qu’il ait beaucoup de femmes, celle d’être parmi ces femmes, confondue. On se regarde. Il comprend ce que je viens de dire. Le regard altéré tout à coup, faux, pris dans le mal, la mort.

Je lui dis de venir, qu’il doit recommencer à me prendre. Il vient. Il sent bon la cigarette anglaise, le parfum cher, il sent le miel, à force sa peau a pris l’odeur de la soie, celle fruitée du tussor de soie, celle de l’or, il est désirable. Je lui dis ce désir de lui. Il me dit d’attendre encore. Il me parle, il dit qu’il a su tout de suite, dès la traversée du fleuve, que je serais ainsi après mon premier amant, que j’aimerais l’amour, il dit qu’il sait déjà que lui je le tromperai et aussi que je tromperai tous les hommes avec qui je serai. Il dit que quant à lui il a été l’instrument de son propre malheur. Je suis heureuse de tout ce qu’il m’annonce et je le lui dis. Il devient brutal, son sentiment est désespéré, il se jette sur moi, il mange les seins d’enfant, il crie, il insulte. Je ferme les yeux sur le plaisir très fort. Je pense : il a l’habitude, c’est ce qu’il fait dans la vie, l’amour, seulement ça. Les mains sont expertes, merveilleuses, parfaites. J’ai beaucoup de chance, c’est clair, c’est comme un métier qu’il aurait, sans le savoir. Il aurait le savoir exact de ce qu’il faut faire, de ce qu’il faut dire. Il me traite de putain, de dégueulasse, il me dit que je suis son seul amour, et c’est ça qu’il doit dire et c’est ça qu’on dit quand on laisse le dire se faire, quand on laisse le corps faire et chercher et trouver et prendre ce qu’il veut, et là tout est bon, il n’y a pas de déchet, les déchets sont recouverts, tout va dans le torrent, dans la force du désir. »

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