À propos de cet événement
Place aux percussions !
Avec 2 orchestres.
L‘Orchestre de Douai / Région Hauts de France et l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie., présentent, sous la direction de Vahan Mardirossian, un programme qui fera la part belle aux percussions. Dès la moitié du 19ème siècle, la place des percussions au sein des orchestres a considérablement évolué. À la demande d’Isaac Stern, Léonard Bernstein compose sa Sérénade, une œuvre concertante pour violon et orchestre, inspirée du Banquet de Platon. Rodion Shchedrin, quant à lui, écrit la Carmen Suite pour permettre à son épouse, la grande ballerine Maya Plisetskaya, de réaliser son rêve d’incarner la célèbre gitane.
Orchestre de Douai / Région Hauts de France
Orchestre Royal de Chambre de Wallonie
Vahan Mardirossian, direction
Svetlin Roussev, violon
Programme :
- Leonard Bernstein, Sérénade d’après « Le Banquet de Platon » pour violon solo, orchestre à cordes, harpe et percussion
— Pause
- Georges Bizet / Rodion Shchedrin, Carmen Suite
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Co-production Orchestre de Douai / Région Hauts de France – Orchestre Royal de Chambre de Wallonie
Captation
Orchestre de Douai – Région Hauts-de-France
QUELQUES DATES ET CHIFFRES | |
1971 | Fondation de l’Orchestre par Henri Vachey. |
2001 | Trentième anniversaire sous la direction de Georges Prêtre. |
2007 | Millième concert de l’Orchestre : Carmina Burana de Carl Orff. |
2009 | Création d’Entre terres de Nicolas Bacri et Philippe Murgier. |
2012 | Création du Concerto pour saxophone et orchestre de Laurent Petitgirard. |
2013 | Nomination de Jean-Jacques Kantorow, chef d’orchestre principal. |
2016 | Création de l’Ile aux oiseaux-serpents de Marc-Olivier Dupin et Yvan Grinberg.
15ème enregistrement : CD Lalo-Roussel pour le label allemand arcantus, récompensé par 4 étoiles décernées par le magazine Classica. |
2017 | 1.500ème concert. |
2018 | Création des concerts-découvertes. |
2019 | 16ème enregistrement : CD Wissmer pour le label suisse claves. |
2021 | 50ème anniversaire de l’Orchestre. |
60 | Concerts par an. |
201 | Communes de la région Hauts-de-France ont accueilli l’Orchestre. |
1.600 | Concerts depuis sa création. |
30.000 | Auditeurs chaque année. |
Fondé en 1971, à l’initiative d’Henri Vachey, l’Orchestre de Douai – Région Hauts-de-France regroupe aujourd’hui près de 70 musiciens professionnels issus de la région. Sous la direction de Jean-Jacques Kantorow ou de chefs invités renommés comme Georges Prêtre, Gianandrea Noseda, Laurent Petitgirard, Nicolas Giusti, Olivier Grangean… avec le concours de concertistes réputés, l’Orchestre ne cesse d’affirmer sa vocation d’ambassadeur culturel. Ainsi s’est-il produit, au fil de 1.600 concerts, dans 201 communes de sa région mais également dans de nombreux pays européens : Belgique, Allemagne, Royaume-Uni, Autriche, Italie, Espagne, Pologne… Chaque année, ce sont donc près de 30.000 auditeurs qui assistent à ses concerts. Parmi ces derniers figurent de nombreux écoliers, collégiens et étudiants (au total plus de 17.000 jeunes), en direction desquels l’Orchestre mène, en collaboration étroite avec l’Education Nationale, des actions éducatives. Prix d’Honneur de la Ville de Vienne, Premier Prix de la Ville de Stresa, l’Orchestre s’est exprimé à de nombreuses reprises sur les ondes de Radio France ainsi que sur les principales chaînes de télévision nationales.
DES SOLISTES ET DES CHEFS D’ORCHESTRES INTERNATIONNAUX
L’Orchestre de Douai – Région Hauts-de-France se produit très régulièrement avec des concertistes de renommée internationale : les pianistes François-René Duchâble, Brigitte Engerer, Marc Laforêt, Jean-Claude Pennetier, Pierre-Alain Volondat, Alexandre Kantorow, Bruno Rigutto, Muza Rubackyte, Jacques Rouvier, les violonistes Régis Pasquier, Svetlin Roussev, Akiko Yamada, Amaury Coëtaux, les violoncellistes Gary Hoffman, Marc Coppey, Dimitri Maslennikov, Aurélien Pascal, les sopranos Elizabeth Vidal, Isabelle Cals, Ewa Podles, le ténor Jean-Pierre Furlan, le baryton Michel Piquemal, les flûtistes Philippe Bernold, Sarah Louvion, Maxence Larrieu, Luc Mangholz,le clarinettiste Michel Lethiec, les harpistes Isabelle Moretti, Emmanuel Ceysson, les trompettistes Guy Touvron, Romain Leleu, les organistes Thierry Escaich, Philippe Lefebvre…
RENDRE LA MUSIQUE CLASSIQUE ACCESSIBLE AU PLUS GRAND NOMBRE
L’Orchestre de Douai – Région Hauts-de-France affirme sa volonté de s’adresser à tous les publics au moyen d’une programmation large et variée qui mêle des œuvres phares du répertoire classique, romantique et moderne à des œuvres plus rares ou contemporaines. Soucieux également de sensibiliser le jeune public, il organise chaque année une vingtaine de concerts pour les élèves de l’école maternelle et élémentaire ainsi que pour les collégiens et les lycéens avec des programmes spécifiques de contes musicaux ou de répétitions commentées.
Il s’attache également à diversifier son public en organisant des concerts pour les plus démunis, ou encore par une diffusion dans des lieux de zone rurale ou des salles plus inhabituelles. Il propose également des « Concerts-découvertes » animés par les solistes de l’orchestre en formation de musique de chambre, et présentés, pour permettre au public d’appréhender l’univers des compositeurs programmés dans la saison symphonique. Ainsi, il réunit près de 30.000 auditeurs lors d’une soixantaine de concerts annuels.
Vahan Mardirossian, chef d’orchestre – Piano
Après avoir passé 9 ans à la tête de l’Orchestre de Caen (2010-2019), Vahan Mardirossian est nommé Chef Principal du City Chamber Orchestra of Hongkong (CCOHK) en septembre 2019 et Directeur musical de l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie (ORCW) à partir de janvier 2020. Il est également Directeur Musical de l’Orchestre National de Chambre d’Arménie (NCOA) depuis 2011.
Pianiste reconnu internationalement et chef d’orchestre, Vahan Mardirossian combine depuis plusieurs années ses deux passions en dirigeant les concertos du clavier (Bach, Haydn, Mozart, Beethoven, Grieg, Chostakovitch…). En tant que soliste, il s’est produit sous la direction de grands chefs tels que Kurt Masur, Paavo Järvi, Yutaka Sado, John Axelrod, Yuri Ahronovith… et a enregistré plusieurs disques consacrés à Schubert, Brahms, Bach, Händel, Beethoven, Tanguy, Mulsant…
La rencontre avec Kurt Masur est déterminante dans la carrière de Vahan Mardirossian. A l’invitation du Maestro, il dirige l’orchestre de Manhattan School lors d’un séminaire de direction d’orchestre à New York. Cette opportunité orientera définitivement sa carrière dans cette voie.
En 2005, Vahan Mardirossian crée l’orchestre « Maestria » avec lequel il se produit dans toute la France, dont Paris au Théâtre des Champs-Élysées et Toulouse à la Halle aux Grains.
Il est régulièrement invité à diriger des orchestres prestigieux tels que le NHK Symphony Orchestra, le New Japan Philharmonic Orchestra, le Tokyo Philharmonic Orchestra, le Prague Philharmonic Orchestra, l’Orchestre National des Pays de Loire, l’Orchestre Symphonique de Moscou « Russian Philharmonic », l’Orchestre Sinfonica de Sanremo, le Real Orchestra Sinfonica de Sevilla, le Philharmonie Südwestfalen, l’Orchestre Colonne…
Il a collaboré avec des solistes de renommée internationale comme Ivry Gitlis, Alexander Markov, Augustin Dumay, Akiko Suwanai, Sergeï Babayan, Alexandre Kantorow, Lars Vogt, Vladimir Sverdlov-Ashkenazy, Diemut Poppen, Brigitte Engerer, Xavier Phillips, Kun Woo Paik, Richard Galliano, Viktoria Postnikova, Daishin Kashimoto, Sergueï Nakariakov, Gary Hoffmann, Alexander Chaushian, Roland Pidoux, Alexandra Soumm, Alexander Ghindin, Igor Tchetuev, Polina Leschenko, Ashley Wass, Jean-Marc Phillips-Varjabedian, le Trio Wanderer, Jean-Claude Pennetier, Jacques Rouvier, Svetlin Roussev, Marc Coppey, Pavel Vernikov, Nicolas Dautricourt, Stéphane Béchy, Guy Touvron, Stéphanie-Marie Degand, …
Son vaste répertoire s’étend des chefs-d’œuvre baroques aux œuvres contemporaines (Tanguy, Saariaho, Rautavaara, Hersant, Dutilleux, Rihm, Kagel, Crumb, Ligeti, Mulsant, Canat de Chizy…).
Site officiel : vahanmardirossian.com
Crédit photo @ Rino Noviello
Artiste charismatique d’une virtuosité et d’une intensité remarquable, Svetlin Roussev aborde le grand répertoire du violon de la période baroque à la musique contemporaine. Ardent interprète de la musique slave et propagateur, en particulier, de la musique de son pays d’origine, la Bulgarie, Svetlin Roussev est Musicien de l’Année 2006 en Bulgarie et a reçu en 2007 puis de nouveau en 2016 et en 2019 la « Lyre de Cristal », distinction décernée par le ministère de la Culture Bulgare. Il est également depuis mai 2018 « citoyen d’honneur » de sa ville natale Roussé, de même qu’Elias Canetti, Prix Nobel de littérature. En 2019 Svetlin Roussev a été longuement reçu par le président de la république bulgare Rumen Radev, qui lui a remis son Signe d’Honneur.
Svetlin Roussev s’est produit à la Salle Pleyel, le Théâtre des Champs-Elysées, Cité de la Musique et l’UNESCO à Paris, le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, l’Alte Oper de Francfort, le Konzerthaus de Berlin, le Palais de la Culture de Budapest, Sumida Triphony Center Hall et Suntory Hall de Tokyo, le Seoul Arts Center, le Bolchoï et Salle Tchaikovsky à Moscou, le Centre Culturel Kirchner à Buenos Aires, le Victoria Hall à Genève, le National Centre for the Performing Arts à Beijing, le Hong Kong Cultural Center, le Palais des Nations Unies…
Invité par différents orchestres aux Etats-Unis, en Amérique Latine, en Asie et en Europe, il a joué sous la direction de Myung-Whun Chung, Léon Fleisher, Yehudi Menuhin, Yuzo Toyama, Marek Janowski, Emmanuel Krivine, Arie Van Beek, Raymond Leppard, François-Xavier Roth, Jean-Jacques Kantorow, Denis Russel-Davies, Lionel Bringuier, Jonathan Nott, Rossen Milanov, Pablo Gonzáles, Emil Tabakov, Vahan Mardirossian…
Svetlin Roussev est lauréat de nombreux concours internationaux (Indianapolis, Long-Thibaud, Melbourne…). Il a obtenu en 2001 le 1er Grand Prix, ainsi que Prix Spécial du public et celui pour la meilleure interprétation de Bach au 1erConcours International de Musique de Sendaï.
Il se produit régulièrement en soliste sans chef en Bulgarie, Slovénie, Pologne, France, Suisse, Corée du Sud, Suède, Japon.
Le partage musical, c’est aussi la musique de chambre, où Svetlin Roussev côtoie des partenaires tels que Myung-Whun Chung, Jean-Yves Thibaudet, Yeol Eum Son, Peter Frankl, Nikolaj Znaider, Ning Feng, Antoine Tamestit, Gautier Capuçon, Xavier Philips, Jian Wang, Gary Hoffman, Paul Meyer, François Leleux et aussi François Salque et Elena Rozanova avec qui il forme le trio Roussev-Salque-Rozanova.
Svetlin Roussev est artiste en résidence de l’Orchestre Philharmonique de Sofia, après avoir été directeur artistique de la même institution.
Sa discographie inclus des œuvres de Vladiguerov, Sibelius, Grieg, Medtner, Ravel, Franck, Ysaÿe, Mendelssohn, Dvorak, Hartmann pour les labels Arcantus, Fondamenta, Onyx, Claves, DECCA…
Il est professeur de violon au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, après avoir enseigné la même discipline à la Haute Ecole de Musique de Genève, et donne des masterclasses de violon et de musique de chambre dans le monde entier.
Depuis 2011 Svetlin Roussev joue sur un violon Amati-Stradivarius de 1720 prêté par Amundi.
Sérénade d’après le Banquet de Platon pour violon solo, orchestre à cordes, harpe et percussions – Léonard Bernstein (1918–1990)
Le violoniste Isaac Stern (1920-2001) sollicita son compatriote et ami Leonard Bernstein pour qu’il lui compose une œuvre concertante. La disparition du chef d’orchestre Serge Koussevitzky (1874-1951) fut le prétexte à la naissance de la partition achevée le 7 août 1954 et dédiée avec affection à la mémoire de Serge et Natalie Koussevitzky. Directeur musical du prestigieux Orchestre symphonique de Boston de 1924 à 1949, Koussevitzky avait été, avec Fritz Reiner, Dimitri Mitropoulos et le compositeur Walter Piston l’un des mentors du jeune Bernstein. L’argument del’œuvre repose sur Le Banquet de Platon sans qu’il y ait de véritable programme[ … ] mais une série de louanges à l’amour, reliées entre elles, affirma le compositeur. Le texte philosophique et poétique du Banquet stimula son imagination. Il organisa la partition en cinq mouvements, qui correspondent aux interventions des personnages. Découvrons la musique grâce aux commentaires de Bernstein.
Phaedrus – Pausania (n°l), Phèdre ouvre le banquet avec un discours lyrique à la louange d’Eros, dieu del’amour. Le fugato est introduit par le violon solo. Pausanias poursuit la conversation en décrivant la dualité de l’amant et de l’aimée, révélée dans un allegro de sonate classique, basé sur le matériau du fugato initial.
Aristophanes (n°2) invoque la mythologie féerique de l’amour. Dans cet allegretto, il devient un conteur à l’heure du coucher.
Le médecin Erixymachus (n°3) évoque l’harmonie des corps comme modèle scientifique des diverses manifestations amoureuses. Il s’agit d’un scherzo fugué très bref, mélange de mystère et d’humour.
Dans un discours émouvant, Agathon (n°4) fait le panégyrique qui embrasse tous les aspects des pouvoirs, fascination et fonctions de l’amour. Le mouvement, un adagio, est conçu comme un simple lied tripartite.
Enfin, Socrates – Alcibiades (n°5) présente Socrate décrivant sa visite à la prêtresse Diotime, citant le discours de celle-ci sur la démonologie de l’amour… La lente introduction [… ]fait office de réexposition de la section médiane du mouvement d’Agathon suggérant ainsi une forme sonate dissimulée. L’interruption d’Alcibiade et de sa bande de noceurs éméchés (allegro) [… ] va de l’agitation à une joyeuse célébration en passant par une musique de danse proche de la gigue. Si cette célébration comporte une pointe de jazz, j’espère qu’on ne la prendra pas pour une musique de fête grecque anachronique, mais plutôt pour l’expression naturelle d’un compositeur américain contemporain, imprégné de l’esprit de ce banquet intemporel.
Déjà, dans la Première Symphonie (1941), puis la Seconde, The Age of Anxiety (1949), Bernstein jouait du thème des arts mêlés, qui stimulaient son univers poétique et sonore. Dans le commentaire de la Sérénade, il décrit l’étrangeté et la séduction du texte qu’il imagine sans rupture. La partition n’est formée que d’un
seul mouvement dont le dynamisme illustre les caractères de la philosophie platonicienne. L’écriture musicale est rythmée par l’alternance des dialogues, des questions et des doutes de chaque intervenant.
L’œuvre préserve l’humanisme émouvant du texte tout en regorgeant
d’archaïsmes anachroniques, d’éléments « jazzés », de chromatismes exacerbés. La Sérénade n’est qu’une libre conversation en musique, une fantaisie qui se refuse au cadre formel du concerto classique. Le titre révèle à lui seul le charme, le propos anodin, mais raffiné. La structure de l’œuvre repose tout entière sur la grâce et la dimension rhétoriques du soliste car les thèmes et les phrases se construisent et se nourrissent mutuellement, sur le flot des enchaînements mélodiques.
La partition fut créée le 12 septembre 1954, à La Fenice de Venise. Bernstein dirigeait !’Orchestre Philharmonique d’Israël alors en tournée et avec, en soliste, Isaac Stern. L’année suivante, le violoniste donnait la première américaine avec l’Orchestre Symphonique de Boston sous la baguette de Charles Münch.
Carmen Suite – Georges Bizet (1838–1875) / Rodion Shchedrin (1932-)
En 1958, le compositeur russe Rodion Shchedrin épouse la danseuse Maïa Plissetskaïa (1925-2015). En 1966 fut mis au point un ballet auquel Plissetskaïa songeait depuis longtemps, centré sur le personnage de Carmen. Dimitri Chostakovitch fut d’abord sollicité pour adapter l’œuvre de Bizet, mais il refusa en ces termes : Bizet me fait peur. Les gens connaissent tellement cet opéra qu’ils seront déçus, quoique vous écriviez, puis il recommanda à Plissetskaïa de se tourner vers son propre mari. Elle fit alors appel à Aram Khatchaturian qui l’éconduisit en ces termes: Pourquoi avez-vous besoin de moi? Vous avez un compositeur à la maison : demandez-lui ! Shchedrin fut donc l’homme de la situation!
Fils d’une pianiste amateur et d’un compositeur proche de Chostakovitch, Rodion Konstantinovitch Shchedrin était né à Moscou en 1932. Il fut formé au prestigieux Conservatoire de la ville où il enseignera plus tard. Devenu pianiste virtuose dans la classe de Yakov Plier, il étudia aussi la composition avec Youri Shaporin. Influencé dans ses premières œuvres par des mélodies populaires biélorusses,
Shchedrin se fit remarquer en 1963 avec la cantate satirique Bureaucratie, qui met en musique le règlement d’un centre de vacances, tandis que son Second Concerto pour piano fait entendre un long passage d’inspiration jazzistique. Le musicologue Frans C. Lemaire relativise la portée de cette « dissidence » : Shchedrine était considéré comme un des musiciens les plus doués de la nouvelle génération. Il passait même parfois pour l’enfant terrible de l’Union des compositeurs, mais c’était un enfant terrible que l’on tolérait sans peine. Son langage musical formé d’un mélange prudent d’originalité et de modernisme évitait les confrontations trop directes.
En 1966, Plissetskaïa profita du passage à Moscou du Ballet national de Cuba, pour demander au chorégraphe Alberto Alonso d’écrire le livret de Carmen Suite Le ballet connaîtra une création parallèle à La Havane avec la sœur d’Alberto Alonso, Alicia, dans le rôle-titre, mais la première moscovite fut évidemment dansée par Plissetskaïa, aux côtés d’autres interprètes du Bolchoï sous la direction du chef d’orchestre Guennadi Rojdestvenski, le 20 avril 1967.
La partition de Shchedrin reprend les principaux thèmes de Carmen, en leur donnant une coloration moderniste, notamment grâce à un vaste pupitre de percussions (timbales, marimba, vibraphone, maracas, castagnettes, crotales, guiros et autres cloches à vache), et à l’absence inattendue de tout instrument à vent.
Outrée par ces déformations musicales et par le contenu érotique du spectacle, la ministre de la Culture Yekaterina Fursteva fit annuler les représentations suivantes, en déclarant : Votre Carmen va mourir ! L’intervention personnelle de Chostakovitch auprès des autorités soviétiques permit à l’œuvre de rester au programme. Furtseva parvint malgré tout à faire déprogrammer le ballet initialement prévu pour l’Expo 67 à Toronto, mais l’année suivante, le président du Conseil des ministres Alexis Kossyguine, ayant vu le spectacle, en autorisa la diffusion à l’étranger. Le ballet allait s’imposer sur toute la planète, et Plissetskaïa triompha : Cette Carmen mourra quand je mourrai ! Elle le dansera trois cent cinquante fois, jusqu’à ses soixante-cinq ans, en 1990 ! Heureusement, sa mort en 2015 ne fut pas celle du rôle, toujours dansé par d’autres ballerines à travers le monde. En 1996, le chorégraphe suédois Mats Ek en proposa une nouvelle version à Stockholm. Quant à la musique de Shchedrin, elle fut reprise dès 1969 par le Boston Pops Orchestra, et depuis lors n’a pas quitté le répertoire des orchestres.
François-Xavier Szymczak