À propos de cet événement
20 h : concert d’une heure sans pause
> 21h15 : After surprise (gratuit)
PLAISIR DE CRÉATIONS, CRÉATION DE PLAISIR, FOCUS SUR LA MUSIQUE DE MICHEL LYSIGHT
Pour cette soirée de plaisir(s), le compositeur belge francophone, Michel Lysight, est mis à l’honneur ! En ouverture, The Old Masters of Speyside, une des œuvres préférées de l’orchestre. La soirée se prolongera avec trois nouvelles œuvres, commandées par l’ORCW, dont la création mondiale aura lieu dans le cadre du Festival de Lasne 2022 : Concerto pour contrebasse, Rhapsody pour clarinette (commande conjointe avec le Festival de Lasne) et Symphony n°3.
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UNE TRÈS BELLE HISTOIRE…
La longue et fructueuse collaboration entre l’Orchestre royal de Chambre de Wallonie et le compositeur et chef d’orchestre Michel Lysight a généré au fil du temps de profonds liens d’amitié avec les musiciens de l’ensemble. C’est ainsi que lui est venue tout naturellement l’envie de composer plusieurs œuvres dédiées soit à l’orchestre tout entier (Symphonie n° 3, November etc.), soit à certains de ses musiciens en particulier (Concerto pour violon, Concerto pour contrebasse, Enigma, Septentrion etc.), ou encore à des solistes internationaux tels Frank Braley (Concerto pour piano) ou Ronald Van Spaendonck, celui-ci étant régulièrement invité en tant que soliste par l’ORCW. D’ailleurs, la toute récente Rhapsody pour clarinette et orchestre à cordes, composée spécialement pour Ronald Van Spaendonck et l’ORCW, est le fruit d’une commande conjointe de ce dernier et du Festival de Lasne. Oui, décidément, une très belle histoire…
Ektoras Tartanis, direction
Ronald Van Spaendonck, clarinette
Philippe Cormann, contrebasse
Programme : Michel Lysight
- The Old Masters of Speyside
- Concerto pour contrebasse et orchestre à cordes / Philippe Cormann, contrebasse
- Rhapsody pour clarinette et orchestre à cordes / Ronald Van Spaendonck, clarinette
- Symphonie n°3 pour orchestre à cordes
Compositeur et chef d’orchestre belge né le 14 octobre 1958, Michel Lysight étudie la musique à l’académie de Schaerbeek où il obtient en 1981 la médaille du Gouvernement pour le piano (classe de Klara Konrad) et la musique de chambre (classe de Renée Waelkens). Après deux années d’études en histoire de l’art (Université Libre de Bruxelles, 1976-1978), il entre au Conservatoire Royal de Bruxelles où il obtient les premiers prix d’histoire de la musique, de méthodologie du solfège (ordinaire et perfectionnement), de psycho-pédagogie, d’harmonie, de contrepoint, de fugue et de basson. Il est également titulaire des diplômes supérieurs de solfège et de musique de chambre.
Il a travaillé la direction d’orchestre avec René Defossez et Robert Janssens dans la classe duquel il obtient son premier prix avec distinction en 1997 et le diplôme supérieur en 2002. Son premier prix de composition lui est décerné en 1989 au Conservatoire Royal de Mons dans la classe de Paul-Baudouin Michel. Cette même année, la Banque Dexia lui commande, pour son concours annuel “Axion Classics”, l’oeuvre imposée pour les bois, intitulée “Soleil Bleu” ; elle lui commandera en 2004 le morceau imposé pour guitare “Chronographie VI”. “Quatrain” pour quatuor à vent a obtenu le Prix Irène Fuérison 1990 de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Belgique. La Médaille d’argent avec mention de l’Académie Internationale de Lutèce (Paris) lui a été décernée en 1992 à l’occasion de son concours international de composition. L’Union des Compositeurs Belges lui a décerné le Trophée Fuga 1997 pour son action en faveur du répertoire national. Le Concours International Adolphe Sax de Dinant lui a commandé “Chronographie IX” pour sa session 2006. La découverte de musiciens tels que Steve Reich ou Arvo Pärt sera essentielle pour l’évolution de son langage personnel et en fera une des figures de proue du courant postmoderne (Nouvelle Musique Consonante). Michel Lysight est membre de la Sabam et de l’Union des Compositeurs Belges.
À son catalogue figure une centaine d’oeuvres. La plupart sont enregistrées sur de nombreux CD’s parmi lesquels on peut citer “Labyrinthes” (Cyprès), “Ritual” (Kalidisc), “Music for flute and percussion 1 & 2” (Naxos), “Cosmographies” (Quartziade), “Enigma” (Dux), “Road Movies” (Pavane) et “Belgian Chamber Music” (Harp & Co). La création mondiale sous sa direction de son “Concerto pour clarinette et orchestre” le 1er avril 2005 à Moscou par Ronald Van Spaendonck a remporté un très vif succès. Pierre Olivier Martens crée son “Concerto pour basson et orchestre à cordes” le 12 juillet 2008 dans le cadre du Schleswig Holstein MusikFestival (Allemagne) avec le Sinfonietta Baltica sous la direction de Gerd Müller-Lorenz.
Michel Lysight est professeur de formation musicale et de formation aux langages contemporains au Conservatoire Royal de Bruxelles. Il a été professeur invité en 1999 à la Bilkent University d’Ankara (Turquie). En 2008-2009, il est compositeur en résidence au Conservatoire “Darius Milhaud” du XIVème arrondissement de la Ville de Paris. Sa cantate pour contreténor, choeur et grand orchestre “Les Chants de Casanova” (sur un texte d’Alain Van Kerckhoven) a été créée avec un immense succès au conservatoire royal de Bruxelles le 29 janvier 2010 (et reprise le 30 janvier 2010 à Lille) par les Choeurs de l’Union Européeenne, les choeurs et l’orchestre du conservatoire sous la direction du chef français Pierre-Yves Gronier.
Pour un compositeur, voir programmés deux concerts (Waterloo,
16/10 – Mons, 27/10/22) consacrés exclusivement à sa musique est déjà un événement extraordinaire en soi, mais si en plus, tous les interprètes sont des amis de longue date, le plaisir est décuplé.
En effet, un profond lien d’amitié me relie à eux, que ce soit l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie, Ronald Van Spaendonck, Philippe Cormann ou Anne Pingen, et je suis ravi à l’idée de collaborer avec le chef d’orchestre spécialement invité pour l’occasion, à savoir Ektoras Tartanis.
L’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie joue régulièrement ma musique depuis de très nombreuses années, et ce toujours avec un enthousiasme et un professionnalisme infaillibles. Mais notre collaboration ne se limite pas à cela : j’ai souvent été invité par l’orchestre en tant que chef pour diriger ma musique ou créer les œuvres d’autres compositeurs, ou encore comme orchestrateur en vue d’arranger pour cordes diverses pièces de tous styles. Ce furent chaque fois de beaux moments d’émotion, tant musicale qu’humaine, mais aussi de grande rigueur dans le travail.
De nombreuses pièces pour orchestre à cordes de mon catalogue furent créées et/ou commandées par l’ORCW. Parmi celles-ci, « The Old Masters of Speyside » occupe une place à part dans le cœur des musiciens. Ils ont souvent joué cette œuvre et la connaissent donc très bien, mais au-delà de cela, tous m’ont fait part du plaisir qu’ils ressentent en l’interprétant.
La « Symphony n° 3 » est la dernière pièce composée spécialement pour l’ORCW et sera donc jouée en création mondiale. Fruit d’une commande de l’orchestre, j’ai pensé à toutes les qualités de l’ORCW, que ce soit dans la sonorité globale ou dans le jeu de chacun. Il y a donc un passage vers la fin du quatrième mouvement où les douze musiciens jouent tous une partie différente, ceci afin de mettre chacun en valeur individuellement.
Le monde de la clarinette est rempli de grands et brillants interprètes, mais Ronald Van Spaendonck est une figure unique. Soliste international capable de surmonter les pires difficultés techniques, il est surtout et avant tout un immense musicien et un pédagogue réputé. Ses étudiants viennent de très loin (Chine, Japon, Espagne, France, Italie, Amérique latine etc.) pour se perfectionner auprès de lui aux Conservatoire royaux de Bruxelles et de Mons ainsi qu’à l’École Normale « Alfred Cortot » de Paris. J’ai le plaisir d’être son ami depuis quarante ans, et ce n’est pas un hasard si la clarinette est l’instrument pour lequel j’ai le plus composé, car être joué par un tel artiste est un privilège rare. Il m’a mis au défi, il y a très longtemps, de composer systématiquement une œuvre faisant appel à la formation instrumentale de grandes pièces du répertoire de son instrument : Quintette pour clarinette et quatuor à cordes, Sonate pour clarinette et piano, Concerto, Trio pour clarinette, violoncelle et piano, Trio pour clarinette, violon et piano, Sextuor pour clarinette, quatuor à cordes et piano etc. J’ai donc relevé le défi, et la « Rhapsody » pour clarinette et orchestre à cordes clôture la liste. Une ultime pierre à l’édifice, en quelque sorte, mais on sait que celui-ci n’est jamais achevé.
J’ai connu Philippe Cormann à l’académie de Berchem Sainte-Agathe où, jeune professeur de vingt-deux ans, je donnais cours de solfège. Il était adolescent, déjà très doué et extrêmement travailleur, et je n’étais âgé que de quelques années de plus que lui. Notre amitié, née à ce moment-là, est toujours aussi forte aujourd’hui. Il y a deux ans, Philippe me téléphone et me demande, un peu gêné, si j’accepterais de lui écrire un Concerto pour contrebasse et orchestre. Il se fait que j’ai toujours eu envie de composer un Concerto pour tous les instruments et, dans cette optique, la contrebasse était dans mon collimateur depuis un certain temps. Toutefois cela restait flou et la demande de Philippe permit de dissiper le brouillard puisque mon « oui » fut enthousiaste, connaissant son immense talent musical. Mais pour diverses raisons trop longues à énoncer ici, écrire pour contrebasse est loin d’être évident. J’ai donc accepté sous réserve que Philippe me guide, au fur et à mesure de l’avancement de l’œuvre, dans la rédaction « technique » de la partie soliste. Je lui envoyais donc régulièrement des extraits du Concerto, lui demandant de me dire si tel ou tel passage était jouable, ce qu’il proposait de rectifier, s’il avait des suggestions etc. Ce fut un travail passionnant mais parfois rude car pour un compositeur, renoncer à son idée première peut se révéler douloureux : la loi du soliste est dure, mais c’est la loi. Enfin, Philippe est le contrebassiste de l’ORCW, et à mon avis, il n’est que juste de le voir aujourd’hui jouer en tant que soliste, accompagné par « son » orchestre. Cette création mondiale est donc pour moi un moment très émouvant.
J’ai essentiellement connu Anne Pingen en travaillant avec l’ORCW, dont elle est chef de pupitre des altos. Nous avons rapidement été en phase et sommes devenus amis, ce qui l’a amenée à jouer mon œuvre « Septentrion » pour alto et cordes lors du concert de mes œuvres donné à l’Atomium pour fêter mes soixante ans ainsi que les soixante ans de l’orchestre et de l’Atomium. Longtemps injustement décrié, les blagues sur les altistes faisant la joie du monde musical, l’alto est un magnifique instrument à la sonorité chaude, grave, profonde, qui me permet d’exprimer la partie parfois sombre et dramatique de mon langage, sans pour autant devoir renoncer aux autres caractéristiques de celui-ci. Mes « Trois Croquis » existent en de multiples versions, mais ce sera la toute première fois qu’ils seront joués dans cette version pour alto et orchestre à cordes, et je suis particulièrement heureux que Anne en soit la soliste.
Enfin, je tiens à remercier du fond du cœur l’administrateur de l’ORCW, Laurent Fack, qui m’a fait confiance depuis toutes ces années et ainsi permis de faire découvrir ma musique à un public de plus en plus large et ce avec de merveilleux musiciens, remercier également toute l’équipe technique et administrative de l’ORCW, le Festival de Lasne qui a commandé la « Rhapsody » et Arsonic qui nous accueille pour ce deuxième concert.
Michel Lysight
Le chef d’orchestre allemand d’origine grecque, Ektoras Tartanis, a été nommé Kapellmeister à l’Opéra de Fribourg lors de la saison 2019/20. À ce poste, il travaille comme directeur musical de plusieurs productions d’opéra et de concerts symphoniques et collabore avec des metteurs en scène renommés tels que Herbert Fritsch, Kornél Mundruczó et Juan Anton Rechi.
Ektoras Tartanis est également l’assistant et le mentor artistique de Teodor Currentzis, avec qui il a travaillé avec le MusicAeterna Choir and Orchestra, le Wiener Symphoniker et le RSO Wien.
En juin 2021, Ektoras Tartanis a reçu le « Prix spécial » du « International Khachaturian Conducting Competition 2021 » à Jerewan pour la meilleure interprétation de l’Adagio du ballet « Spartakus »de Kchachaturian.
Avant d’occuper son poste actuel, il était maître de chapelle et directeur musical général associé du Stadttheater Bremerhaven et de l’Orchestre symphonique, où il a acquis un large répertoire lyrique et symphonique.
Ektoras Tartanis a commencé sa carrière professionnelle en tant qu’assistant musical de l’Orchestre symphonique et de l’Opernhaus Wuppertal. Les faits marquants de sa carrière jusqu’à présent ont été la production « Lucia di Lammermoor » avec l’orchestre et le chœur MuiscAeterna au Perm Opera Ballet and Theatre en mars 2019, dont il était le directeur musical. Ses débuts avec l’Orchestre symphonique de la radio Baden-Baden et Freiburg avec Patricia Kopatchinskaja ont été très bien accueillis par le public et la presse. Il a également assisté Teodor Currentzis et Peter Sellars au Salzburger Festspiele lors de l’été 2019 pour la production de « La clemenza di Tito ».
Ektoras Tartanis a travaillé, entre autres, avec des orchestres tels que l’Orchestre symphonique de la radio de Munich, l’Orchestre symphonique SWR, la Badische Staatskapelle Karlsruhe, MusicAeterna Orchestra and Choir (RU) l’Orchestre d’État d’Athènes et de Thessalonique – les deux principaux orchestres grecs – l’Orchestre symphonique Vorarlberger ( AUT) et le Lucern Festival Strings (CHE). En 2016, Ektoras fonde l’Argo Ensemble, un orchestre basé à Stuttgart, avec lequel il présente de nouveaux concepts de concert et des productions innovantes.
Ektoras Tartanis a également un intérêt particulier pour la musique contemporaine et la composition, et a dirigé de nombreuses créations telles que l’opéra de chambre de Tim Benjamin « The Rosenhahn Experiment ». Il approfondit ses études de direction d’orchestre au Royal Northern College of Music de Manchester avec Clark Rundell et Mark Heron et au Conservatoire Anton Bruckner de Linz avec Ingo Ingensand, où il obtient son diplôme avec mention. Il complète ses études académiques par des masterclasses avec des chefs tels que Bernard Haitink, Sir Mark Elder, Juanjo Mena, Lothar Zagrozek et Mark Shanahan.
© Manja_Herrmann
www.ektorastartanis.com
Philippe Cormann, lauréat du Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles en contrebasse et en musique de chambre, commence sa carrière au sein de l’ Opéra Royal de Wallonie.
Philippe Cormann est actuellement professeur de contrebasse au Conservatoire Royal de Musique de Mons et contrebassiste au sein de l’ Orchestre Royal de Chambre de Wallonie.
Il est également Professeur « Honoris Causa » au Conservatoire de Guangzhou (Chine).
Essayeur pour le groupe « Buffet Crampon », il est aussi « Gold Pomarico Artist » pour les becs en cristal « Pomarico » et « Gold Performing Artist » pour les anches « d’Addario ».
Ronald Van Spaendonck est depuis 2016 Directeur artistique du festival musical de Lasne.
C’est en compagnie de la harpiste Sophie Hallynck, de la violoncelliste Marie Hallynck et du pianiste Muhiddin Dürrüoglu qu’il fonde en 2006 l’Ensemble Kheops, ensemble à géométrie variable.
Il est considéré comme l’un des meilleurs clarinettistes de sa génération.
BBC New Generation Artist 2000, il est invité à se produire avec le BBC Scottish Symphony, BBC Philharmonic Orchestra et le BBC National Orchestra of Wales notamment aux PROMS, au Wigmore Hall de Londres Hall et au prestigieux Festival International de Musique d’Edimbourg.
Ronald Van Spaendonck a joué dans les plus grandes salles mondiales avec entre autres l’Orchestre Royal de chambre de Wallonie, l’ Orchestre Philharmonique de Liège, Het Brabants Orkest, l’Orchestre National de Belgique, l’Orquestra Clássica de Porto, L’Orchestre National de France, Les violons du Roy, l’Orchestre de la ville de Oulu en Finlande, l’Orchestre Symphonique de Zürich, l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg, das Deutsches Symphonie Orchester Berlin, l’Orchestre Simon Bolivar du Venezuela et l’Orchestre de Sao Paulo au Brésil.
En 2001, il est lauréat du “JAL Classic Special New Artist Serie” et est invité pour une série de concerts au Suntory Hall de Tokyo et dans les plus grandes salles du Japon.
Ses partenaires de musique de chambre incluent les quatuors Skampa, Ysaye, Belcea, Szymanowski, Aviv, Modigliani, the Royal string quartet et Ebène, les pianistes Alexandre Tharaud, Johan Schmidt, Frank Braley et Muhiddin Dürrüoglu, les violonistes Gidon Kremer, Renaud Capuçon, Graf Mourja, Lisa Batiashvili et Ning Kam, les altistes Gérard Caussé, Lise Berthaud, Lawrence Power et Antoine Tamestit, les violoncellistes Marie Hallynck, Mischa Maisky, Marc Coppey, Peter Whispelway, Alban Gerhardt, Jean-Guihen Queyras, les flûtistes Emmanuel Pahud, Marc Grauwels, Gaby Van Riet, Aldo Baerten et bien d’autres.
De nombreuses récompenses internationales lui ont été attribuées : Lauréat de l’European Youth Competition à Zürich, Premier prix du Concours International TROMP à Eindhoven, Premier prix du Concours International de Dos Hermanas (Séville) et Premier prix du Concours International pour Instruments à Vent A.Gi. Mus à Rome.
Il est également lauréat « Juventus » (1991), « Rising star » (1998), prix «Fuga» (2014) et la Commission du Patrimoine du Conservatoire Royal de Bruxelles lui décerne en 2018 le prix DARCHE FRERES réservé à un musicien dont toute la vie est consacrée avec honneur et dévouement au service de l’art musical.
Ses professeurs furent Léon Jacot, Walter Boeykens, Anthony Pay (Londres) et Karl Leister (Berlin).
Il a réalisé un nombre impressionnant d’enregistrements salués unanimement par la presse (choc du « Monde de la musique » 10 de « Répertoire », ffff de « Télérama », « Diapason » d’or, Gramophone Choice, joker de « crescendo » etc).
Photo © Denis Gliksman
Entretien avec Michel Lysight
Préambule contextuel
A travers le vécu de Michel Lysight, à travers le vécu d’un compositeur belge francophone, nous entrevoyons les multiples paysages créatifs d’une musique contemporaine riche et diversifiée.
Nous découvrons aussi une partie de notre culture contemporaine dans un langage qui parle à tout le monde, sans code, sans frontière, sans caste de la connaissance.
Michel Lysight parle vrai, avec son cœur, en toute honnêteté intellectuelle, avec son intime et inébranlable conviction.
Vous serez probablement désorientés par certains de ses propos qui sont en-dehors des standards et du bien-pensant ; ou, au contraire, vous pourriez être ravis de lire ce que vous pensez, ce que vous ressentez, ce que vous vivez depuis longtemps.
Il nous est loisible de ne pas partager certains de ses propos.
En revanche, il n’y a aucune raison de museler la liberté d’expression d’un créateur ; en effet, tout totalitarisme commence par là.
L’expression libre d’un artiste nous ouvre d’autant plus les portes de nos réflexions.
Ce texte n’est pas un programme de salle ; c’est bien plus. Il s’agit d’une esquisse d’un recueil.
Ce fut un immense privilège d’être l’humble dépositaire d’un vécu de plus de 40 ans d’écriture musicale et de l’évolution d’un langage qui se suffit à lui-même.
Bonne découverte du vécu d’un créateur, contemporain, de chez nous.
L’utilité de la musique ?
Quelle est la fonction de la musique dans la société ?
La musique a-t-elle un rôle à jouer dans la société ?
Faut-il que la musique ait du sens, fasse sens ?
A mes débuts, j’ai cru que l’Art pouvait changer la société. C’est un leurre. Sur un plan social ou politique, la musique ne change strictement rien.
La musique n’apporte pas de message particulier, vu qu’elle n’exprime qu’elle-même.
En revanche, la musique n’est pas inutile.
La musique est source de bonheurs, de plaisirs et d’émotions.
La musique nous permet de nous élever ; et, dans le monde qui est le nôtre, ce n’est certainement pas rien. Pour cette élévation du public, il faut réunir trois critères :
- Une bonne acoustique, mais c’est le moins vital.
- Une musique « belle » ; ce terme reste évidemment à définir, subjectivement.
- Les œuvres assez inaccessibles et pseudo intellectuelles sont trop souvent subsidiées par des pouvoirs publics phagocytés par des commissions singulièrement composées d’amis de mêmes courants esthétiques. Le public n’a alors accès qu’à ces seules lignes esthétiques, à une pensée unique qui, de fait, en devient malhonnête, tout en étant très fructueux pour ceux qui ont peu à dire mais qui s’expriment quand même.
- Toute la musique contemporaine n’est pas inaudible, loin de là.
- Debussy, pourtant un des plus grands révolutionnaires de l’histoire de la musique, a déclaré : « La musique doit, humblement, chercher à faire plaisir ».
- Cette notion de plaisir est bien évidemment subjective.
- Certains compositeurs travaillent contre cette notion, éminemment importante, du plaisir de l’écoute. Le courant sériel et ses avatars ont éloigné le public. A un journaliste lui demandant « Maître, où situez-vous la notion de plaisir dans votre musique ? », Pierre Boulez (1925-2006) répondit « Ne venez pas m’embêter avec vos plaisirs de bas-ventre ». Était-ce dit en boutade, ulcéré d’une question taquine du journaliste, ou était-ce une pensée parfaitement assumée ? Je penche pour la deuxième proposition.
- Je plaide pour la diversité des créations, en évitant d’anéantir d’autres courants au profit de celui qui est dans la ligne du pouvoir.
- Les bons interprètes.
- Schoenberg disait que sa musique n’était pas difficile, mais simplement mal jouée.
- Le jeune compositeur se laisse parfois exécuter, dans les deux sens du terme, par de piètres musiciens.
- Être joué par l’ORCW ou des solistes de renom comme Ronald Van Spaendonck, Jean-Frédéric Molard, Marc Grauwels, Éliane Reyes, Jean-Marc Fessard (Docteur en musicologie ; clarinettiste issu du Conservatoire National Supérieur de musique de Paris), Frank Braley (issu du Conservatoire National Supérieur de musique de Paris) et bien d’autres, permet au public d’apprécier – ou non – l’œuvre dans les meilleures conditions. Le compositeur ne peut dès lors plus se retrancher derrière l’excuse bidon : « c’était mal joué, donc vous ne pouviez pas comprendre ».
Si ces trois critères ne sont pas réunis, nous n’obtiendrons qu’une vague idée de la qualité d’une œuvre musicale.
Les mélomanes peuvent faire la différence entre :
- Une mauvaise œuvre et une bonne interprétation.
- Une bonne œuvre et une mauvaise interprétation.
Michel Lysight se pose alors la question des applaudissements.
Les applaudissements sont-ils déclenchés par l’œuvre ou par les interprètes ou par les deux ? À titre personnel, si je trouve une œuvre ratée ou moche, je n’applaudis pas la musique ; cependant, j’applaudis le travail des musiciens qui, souvent, n’ont pas eu le choix de jouer cette pièce.
Les écueils pour devenir et rester compositeur ?
Qu’est-ce qui pousse un jeune musicien vers la composition et à poursuivre cette voie toute une carrière durant ?
La vocation…
J’ai commencé la musique très tard, à 12 ans !
Ma première grande chance est d’avoir eu des professeurs remarquables à l’académie de Schaerbeek. À l’époque, il y avait de hautes exigences, tant techniques que musicales, le niveau était élevé. Les réformes « pédagogiques » successives ont atomisé la notion d’excellence. A l’académie, j’ai joué Debussy, Bartók, Prokofiev, Bach etc. Actuellement, certaines académies se contentent d’organiser une forme de garderie musicale en travaillant de la musique d’ascenseur (ce n’est pas le cas de l’académie de Mons, Binche, etc.). C’est loin de faire le bonheur de la majorité des professeurs qui voudraient pouvoir enseigner des répertoires que leurs étudiants ne pourront pas aborder seuls.
La première vocation de Michel Lysight ?
Devenir Professeur de solfège.
A l’époque cruciale de l’adolescence, la musique m’a sauvée en me permettant d’avoir une meilleure estime de moi-même. M. Roger @Lavaert déclencha ma première vocation. Ce professeur de solfège me fascinait. Il improvisait du jazz au piano, avait un humour ravageur. Il était engagé comme pianiste sur des bateaux de croisière et il nous racontait ses voyages. Cependant, en même temps, on trimait.
A quatorze ans, j’ai eu ma première vocation : devenir professeur de solfège.
A vingt-deux ans, Michel Lysight (né en 1958) est engagé au Conservatoire royal de Bruxelles comme Professeur de solfège chanteurs. En 1986, il succède à son Professeur de solfège de spécialisation (diplôme supérieur de solfège destiné aux Chefs d’orchestre, compositeurs et futurs Professeurs de solfège dans les derniers degrés à l’académie).
La deuxième vocation de Michel Lysight ?
Devenir compositeur.
Nous entrons en composition comme en religion.
C’est une métaphore : Michel Lysight est laïc et athée.
C’est une vocation inexplicable.
Le hasard a voulu que je fasse d’heureuses rencontres.
Michel Lysight ne croit pas en une destinée : on forge sa destinée.
Quand j’ai commencé le piano à douze ans, j’ai immédiatement composé, instinctivement.
Chaque fois que je découvrais une matière nouvelle, je l’utilisais dans mes compositions.
Ensuite, j’ai pris des cours d’harmonie à l’académie et j’ai poursuivi mes études au Conservatoire royal de Bruxelles en obtenant, entre autres, les premiers prix d’harmonie, contrepoint et fugue.
J’ai obtenu mon premier prix de composition au Conservatoire royal de Mons, dans la classe de M. Paul-Baudouin Michel.
J’ai aussi suivi les cours de direction d’orchestre : je savais que je devrais, un jour, diriger mes propres œuvres. Or, chef d’orchestre est un véritable métier qui ne s’improvise pas et je ne voulais pas me retrouver totalement incompétent devant les musiciens.
Michel Lysight, né en 1958, entre au Conservatoire royal de Bruxelles en 1976.
Mon premier Professeur de composition fut Mme Jacqueline Fontyn.
Née en 1930. Professeure de contrepoint au Conservatoire royal d’Anvers en 1963, 1ère femme professeure de composition au conservatoire royal de Bruxelles de 1970 à 1990 ; Membre de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique ; ses 1ères œuvres sont influencées par Arnold Schönberg utilisant un langage sériel, dodécaphonique, atonal.
Pour moi, ce passage fut catastrophique et frustrant car j’avais l’impression de commencer la journée en écrivant du « Michel Lysight » et de la terminer dans le style de Jacqueline Fontyn.
Bien entendu, j’avais tout à apprendre. Cependant, j’avais l’impression qu’au lieu d’apprendre mon métier, je subissais plutôt une pression idéologique.
La plupart des cours de composition de cette époque étaient à peu près du même tonneau : si vous ne composiez pas « dans la ligne du parti », vous étiez considéré comme un dangereux réactionnaire à remettre dans le droit chemin au plus vite ou à éliminer une fois pour toute. Pour cela, la méthode est très simple : on ne vous joue pas, on ne vous aide pas, on ne vous subventionne pas …
Quelles ont été les oppositions, les luttes d’esthétismes musicaux ?
Le sérialisme et ses avatars écrasaient tout : il fallait écrire selon ce courant.
Je m’y suis refusé.
Des compositeurs comme Pierre Boulez (1925-2006) ont pris le pouvoir avec la complicité des politiques de l’époque (Le Ministre de la Culture, Jack Lang, entre autres).
Boulez déclarera « Tout compositeur n’adhérant pas au sérialisme intégral est un compositeur inutile ». Cela donne une bonne idée du sens de la démocratie de l’individu.
Pierre Boulez, ses collègues du même courant et leurs descendants actuels ont étouffé toute autre forme de création en écrivant une musique d’amnésique car ils rejetaient catégoriquement les apports passés de la musique.
Cette démarche purement intellectuelle, mathématique, sérielle, ou atonale a généré, du moins à mon sens, une musique aussi prétentieuse qu’inaudible.
Ces compositeurs, comme certains sévissent encore de nos jours -par extension conceptuelle-, se sentent investi d’une mission divine comme si leur composition allait révolutionner le monde.
C’est une bêtise. En composant, nous apportons juste une part d’originalité.
Steve Reich (1936, 86 ans), Philip Glass (1937, 85 ans) et le courant minimaliste étaient forcément bannis et méprisés à l’époque. De nos jours, certains des pires détracteurs de ces artistes feraient tout pour être pris en photo à côté d’eux. Les temps changent.
Le minimalisme est un courant musical, apparu dans les années 1960, aux États-Unis, avec Steve Reich, Philip Glass, John Adams et d’autres : une musique tonale ou modale, utilisant la répétition de cellules qui évoluent progressivement au cours de l’œuvre.
Je me situe dans le courant de la nouvelle musique consonante.
Je n’ai jamais voulu écrire dans un langage atonal qui, de mon point de vue, et je ne demande pas qu’on partage mon ressenti, a été une erreur dans l’histoire de la musique ; nous en payons, encore aujourd’hui, un très lourd et accablant tribu.
Mes contradicteurs pensent que mes œuvres pourraient être écrites au 17ème, 18ème ou 19ème siècle. Je leur recommande de mieux écouter avant d’affirmer de telles inepties.
Il est cocasse de noter qu’à ses débuts, les critiques affirmaient cela aussi de la musique d’Arvo Pärt. Après sa première période créatrice très expérimentale, Arvo Pärt n’a plus écrit afin de pouvoir approfondir l’étude de la polyphonie allant du Moyen-Âge à la période baroque. Quand il a recommencé à composer, il s’en est inspiré de manière totalement personnelle.
J’ai bien étudié la musique d’Arvo Pärt : affirmer que la musique d’Arvo Pärt aurait pu être écrite dans le passé relève soit d’une incompétence, soit d’une mauvaise foi pathologique ou encore d’un lavage de cerveau réussi.
Je n’écris pas de pastiches des époques précédentes, du sous-Schubert, du sous-Mozart, du sous-Beethoven.
On peut très bien utiliser certains codes du 18ème et du 19ème tout en écrivant une musique nouvelle, en détournant lesdits codes à notre manière. Stravinsky, dans sa période néo-classique, en est un bon exemple.
Une anecdote est révélatrice : j’étais jeune compositeur et je reçois une commande.
Nous tombons d’accord sur tout : durée, formation instrumentale, rémunération etc., mais à la fin de la conversation, le commanditaire demande que « cela sonne comme du Ravel ».
J’ai refusé la commande et je lui ai suggéré d’appeler Ravel.
J’écris du « Michel Lysight ». On peut ne pas aimer ma musique mais je ne peux pas entendre que ma musique soit mal écrite. Mon Professeur de composition au Conservatoire royal de Mons, M. Paul-Baudouin Michel, qui venait de la musique expérimentale, qui avait fréquenté le festival de Darmstadt où tout commença au niveau de la musique sérielle, me donna la plus belle leçon de composition de ma vie. A l’époque, je découvrais les minimalistes nord-américains. Je fis part à -Monsieur- Paul-Baudouin Michel de cette découverte esthétique qui allait bouleverser radicalement mon avenir de compositeur. Je l’entends encore me dire : « Je n’aime pas du tout, mais si c’est ça que tu aimes, c’est cette voie-là que tu dois suivre. »
« Merci » -Monsieur- Paul-Baudouin Michel – J’y pense très souvent.
Le problème n’est pas tant de faire apprécier les musiques classiques contemporaines. La difficulté majeure est de faire revenir le public parce que les auditeurs ont été souvent traumatisés par certaines œuvres contemporaines. À force de faire croire aux gens que la seule musique contemporaine doit être atonale, il y a forcément un phénomène de rejet de la part du public. Et non seulement du public, mais aussi de nombreux musiciens de grand talent qui refusent de jouer ces œuvres. Il faut donc convaincre le public que la musique contemporaine n’est pas une séance d’arrachage de dents, sans anesthésie, et que de très nombreux compositeurs écrivent des œuvres accessibles sans pour autant écrire des œuvres faciles ou strictement basées sur les méthodologies d’écriture du passé.
Michel Lysight conte le bonheur dont lui fait part le public à l’écoute de ses œuvres.
Une fois que les gens sont dans la salle, ils apprécient les musiques de notre temps. Ils me font souvent part qu’ils se sentent trompés parce que les producteurs ont longtemps caché ces autres courants esthétiques de notre musique contemporaine.
Que faudrait-il révolutionner dans les contextes des concerts ?
Le monde classique est le seul monde où on conserve des castes qui n’existent plus.
La réceptivité du public traditionnel envers la jeunesse pose interrogation.
Pour beaucoup de politiques, « la musique est un bruit qui coûte cher ».
Tant que la musique ne se remet pas en question dans la manière de se présenter, de se vendre et dans ses codes, les jeunes ne viendront pas et le public ne se renouvellera pas.
Il ne faut pas venir débraillé. Il ne faut pas non plus hurler comme dans un concert rock. Mais, si dès qu’un jeune applaudit entre deux mouvements il se fait toiser du regard, le jeune ne reviendra pas et notre art finira par disparaitre.
Notons qu’au 19ème et aux siècles précédents, tout était bien moins codifié.
Les musiciens devraient changer d’attitude et bien plus élargir leur répertoire.
Depuis leur plus jeune âge, les jeunes des conservatoires sortent souvent formatés par leurs professeurs successifs : ils ne sortent pas souvent de leurs carcans historiques.
Les grands concours internationaux ne font qu’accentuer ce phénomène en ressassant à l’envi le même répertoire usé jusqu’à la corde.
Les jeunes professionnels sont dès lors pris dans une boucle sans fin, très difficile à briser.
À force de ne jouer que des macchabées, on finit par devenir un zombie musical.
Heureusement, les choses changent :
- J’ai eu au Conservatoire royal de Bruxelles de nombreux étudiants intéressés par un répertoire plus audacieux.
- Lors d’un mémorable concert au Bozar, Steve Reich (1936, 86 ans) et ses musiciens jouaient en jeans et casquette. La salle était archi-comble et le succès fut phénoménal. Il y avait énormément de jeunes à ce concert.
Cela démontre que :
- Certaines musiques contemporaines attirent le public et remplissent les salles.
- Les jeunes viennent quand on peut les accueillir autrement qu’avec un balai…
- Et personne n’a demandé de rembourser sa place parce que Steve Reich portait une casquette sur scène.
Le parcours créatif et son évolution après la création ?
Comment se passe votre processus de création ?
Avez-vous un rituel de travail ?
Vos nuits sont-elles courtes quand l’imaginaire musical déborde ?
Il y a eu une évolution.
Au tout début, je n’avais forcément que très peu d’œuvres à mon catalogue.
Il fallait composer pour l’alimenter. N’ayant pas de commande, j’écrivais ce que je voulais.
Ensuite, assez rapidement, j’ai rencontré des jeunes musiciens comme Ronald Van Spaendonck.
Je vais vous conter notre rencontre. J’étais bassoniste à l’époque et nous étions invités pour jouer dans un festival en Espagne. Ronald y découvrit ma première pièce éditée, « Réflexion pour clarinette et piano ». Il décida d’organiser un concert au Théâtre royal de Namur, concert dédié entièrement à ma musique -comme l’ORCW le fait régulièrement-. Malheureusement, je n’avais pas encore assez d’œuvres pour un seul concert. J’ai donc passé quelques nuits blanches à remplir du papier à musique.
Quand la notoriété est venue, le processus s’est inversé : j’ai actuellement besoin d’une commande pour être inspiré.
Mais dès que j’ai accepté la commande, je compose.
Bien entendu, aucune inspiration ne vient aussi soudainement, mais je sais que le processus est enclenché et ne s’arrêtera que lorsque j’aurai écrit la dernière mesure.
Après ces premières notes déclenchées par la commande, deux trois jours plus tard, il me vient une idée musicale : un enchainement d’accords, des rythmes, etc. Je note, je joue, j’opère différents essais etc. Quand j’arrive à un matériau qui me semble intéressant, débute alors le véritable travail de composition.
Mais une question est récurrente : « D’où viennent vos idées ? ». Je n’en ai justement pas la moindre idée. Cela reste un énorme mystère pour moi.
Votre œuvre vous appartient-elle de manière immuable ?
Peut-elle évoluer ?
Avant son édition, à la suite des échanges avec les musiciens, l’œuvre peut évoluer.
Certains passages ne conviennent pas à l’instrument ; il est inutile de torturer inutilement l’interprète qui doit porter, véhiculer votre œuvre vers le public, vers d’autres solistes.
Dès que l’œuvre est éditée, elle n’appartient plus au compositeur.
Son opinion sur la manière de jouer une de ses pièces n’en est qu’une parmi d’autres et l’interprète a sa liberté créatrice.
D’ailleurs, tout en respectant le texte, les musiciens évoluent eux aussi dans leur interprétation.
Le premier défi de Michel Lysight J’espère que des auditeurs viendront aux deux concerts. Nous aurons entendu les mêmes œuvres, avec les mêmes solistes et le même orchestre. Cependant, nous aurons deux concerts totalement différents, surtout pour les trois créations. Le public qui revient va d’autant mieux s’en imprégner ; et, les interprètes vont se sentir de plus en plus à l’aise. L’œuvre fait son chemin dans le cerveau des auditeurs et des interprètes. Les œuvres contemporaines devraient être rejouées plusieurs fois devant le même public. Les deux concerts ne sont pas à classer qualitativement, ils seront seulement différents.
L’interprétation d’une œuvre du répertoire évolue sans doute moins vite, la tradition pesant lourd, sauf si un chef d’orchestre apporte une vision radicalement neuve.
A contrario, l’œuvre contemporaine a encore devant elle tout un cheminement à faire en termes d’interprétation. Prenons un exemple avec le brillantissime violoniste Jean-Frédéric Molard et son duo Gemini qu’il forme avec le pianiste Jean-Noël Remiche. J’ai composé deux œuvres pour eux. L’interprétation a évolué au fur-et-à-mesure des concerts. Quelques années après leur premier enregistrement, les artistes me disaient vouloir éventuellement les réenregistrer, car leur vision avait évolué. Le résultat ne sera pas meilleur ou moins bon, l’interprétation sera seulement différente.
Les sources d’inspiration ?
Quelles sont vos sources d’inspiration en général ?
J’apprécie beaucoup le cinéma et la littérature mais cela ne m’inspire pas consciemment.
L’écrivain Philip Kindred Dick, dit Philip K. Dick, est le seul qui m’ait inspiré (auteur américain de science-fiction, nouvelles, romans ; 1928-1982). Il part d’une histoire et puis il va d’abîme en abîme. Le lecteur ne sait plus ce qui est réel ou imaginaire (par exemple, ses romans « UBIK », « Le Maître du Haut Château », « Le Dieu venu du Centaure », etc.).
Ce concept m’a inspiré dans plusieurs de mes œuvres.
Je développe un matériel musical jusqu’au moment où l’ennui pourrait arriver. A ce moment-là, je bascule, d’un coup ou progressivement, dans un autre cheminement musical, ce qui relance l’intérêt de l’auditeur. On ne sait jamais quand on bascule.
Actuellement, je deviens plus classique : une partie, une transition, un basculement ; sous la forme classique schématisée A – B – A’.
Mais, ce sont les événements de ma vie qui m’inspirent plus que tout autre chose.
- La naissance de mes deux enfants, Dan et Naomi.
- Le décès, en 2018, de ma femme, Eriko, brillante gambiste, emportée par un cancer à 45 ans : un choc émotionnel impossible à décrire en mots et que j’ai donc exprimé en musique.
- Et bien d’autres…
Parmi les compositeurs, passés ou présents, certains compositeurs ont-ils été une référence ?
Le 1er panthéon de Michel Lysight (né en 1958)
- Stravinsky (1882 – 1971) : « Le Sacre du Printemps », « l’Oiseau de feu » et « Petrouchka » sont des jalons dans l’histoire de la musique.
- « Le Sacre du Printemps » est un Saint-Graal : c’est l’œuvre la plus extraordinaire, mêlant paradis et enfer ; à chaque écoute, j’y entends quelque chose de neuf.
- Bartok (1881 – 1945): compositeur découvert grâce à mon Professeur de piano, Madame Klara Konrad, d’origine hongroise.
- Debussy (1862 – 1918) fut une révélation. J’ai cartonné lors de mon examen de piano en degré supérieur à l’académie, où j’ai interprété ses « Reflets dans l’eau ». J’ai alors voulu tout découvrir de Debussy.
Le 2ème panthéon de Michel Lysight (né en 1958)
Mon 2ème panthéon est venu dans les années 1990 avec le minimalisme américain (apparu dans les années 1960) qui était démoli par nos professeurs de composition.
- Steve Reich (USA, 1936, 86 ans) est un génie.
- Philip Glass (USA, 1937, 85 ans).
- John Adams (USA, 1947, 75 ans).
- Arvo Pärt (Estonie, 1935, 86 ans)
Dans le minimalisme, il n’y a pas moins de matière, elle est seulement utilisée autrement. On ne répète pas ce qui est inintéressant.
Leurs premières périodes expérimentales sont souvent radicales et difficiles d’accès, mais cela leur a servi de tremplin pour construire leur style futur.
Ma 1ère œuvre minimaliste est « Chronographie I » (il y en a actuellement 12).
Elle est écrite pour quintette à vents.
Elle est minimaliste car j’applique un processus répétitif mais évolutif : je répète le matériel sonore en variant celui-ci le plus possible à chaque répétition ou presque.
Je me situe donc entre la répétition et la variation.
Comme John Adams, un fabuleux orchestrateur, j’ai réintégré les grandes formes (symphonies, concertos, etc). Je pense que le minimalisme se prête difficilement aux grandes formes.
Les couleurs orchestrales sont essentielles car elles permettent de répéter un matériel musical en variant uniquement l’orchestration.
J’utilise des processus d’écriture considéré parfois comme obsolètes mais je les intègre de manière non obsolète. Il n’y a pas de révolution, il y a une évolution.
Je suis attaché aux changements de couleurs générés par de brusques successions de tonalités. Cette notion musicale de tonalité est à prendre au sens large : j’intègre tout autant la modalité sans me limiter à la tonalité classique -que j’utilise, finalement, très peu-.
Est-ce que seule la musique classique a droit de Cité ?
Est-ce que seule la musique classique est inventive ?
Est-ce que seule la musique classique peut passer à la postérité ?
Je suis ouvert à toutes les musiques.
Dans tous les genres, il y a des œuvres superbes et d’autres plus anecdotiques, mauvaises, voire médiocres.
À mes débuts, influencé par les goûts très conservateurs de mes professeurs, j’avais du mépris pour tout ce qui n’était pas « classique » ; cependant, ma pensée a évolué.
J’aime les anciennes chansons françaises (Brel, Brassens, …). Les mélodistes et les orchestrateurs étaient très bons. Je préfère trois minutes de Brassens qu’une heure d’une symphonie longue et d’un ennui abyssal. Cependant, actuellement, je trouve que le domaine de la chanson française s’appauvrit.
La révolution musicale est parfois plus à chercher dans le rock – qui est révolutionnaire en soi – et pas vraiment chez Schoenberg.
Je peux préférer la « Bohemian Rhapsody » de Queen à certains compositeurs contemporains dits classiques.
Cette différenciation entre la musique sérieuse, dite savante (Satie disait « Faites emmerdant, ça fera sérieux ») et la musique contemporaine amplifiée (bien que la musique dite classique commence à utiliser l’amplification) réside dans le fait que les musiciens classiques sont très formatés et affirment que seule la musique classique peut passer à la postérité.
Cette distinction doit s’estomper.
Le compositeur a une idée à nous communiquer ou, dans le cas contraire, le compositeur ne devrait rien écrire ; et, donc, …
Il n’y pas de musique mineure ou majeure.
Qu’apportent les courants contemporains par rapport au répertoire ?
Y a-t-il un « avant » et un « après » Arnold Schoenberg ou Pierre Boulez ou tout autre compositeur charnière ?
Le dodécaphonisme (1923) et la musique sérielle
Il y a un avant et un après Schoenberg et Boulez.
On peut avoir un avis négatif mais il ne faut pas être révisionniste.
Ces compositeurs ont existé et ont exercé une influence certaine et ce jusqu’à nos jours.
Arnold Schœnberg (1874-1951) fut un grand professeur de composition.
En 1923, Arnold Schœnberg codifie le dodécaphonisme, un système d’écriture ou les 12 notes doivent être joués dans l’ordre de la série avant de pouvoir être réutilisés une deuxième fois, ce qui structure, dans l’idée de Schoenberg, la musique atonale.
Ce courant sera suivi, dans les 50, par le sérialisme intégral qui pousse cette logique encore plus avant, avec Pierre Boulez, Karlheinz Stockhausen et bien d’autres.
Après le dodécaphonisme (1923) et la musique sérielle
Passons à l’époque suivante dans laquelle j’ai commencé à écrire.
Dans les années 1970, beaucoup de compositeurs évoluent.
Arvo Pärt (1935, 86 ans ; Estonie) écrit d’abord selon les normes de l’époque. Ayant peu accès aux courants de l’Ouest puisqu’il vit en Estonie sous le joug soviétique, il se bricole son propre dodécaphonisme en utilisant des techniques de collage, etc. Cependant, il va rapidement s’en éloigner.
En 1968, il entre dans le silence et réétudie les polyphonistes dont il va revisiter l’écriture et il va ainsi créer le style qui va le rendre célèbre dans le monde entier.
Henryk Mikołaj Górecki (1933 – 2010 ; Pologne) a fait de même : d’abord compositeur lié au mouvement bruitiste à l’instar de son compatriote Krzysztof Penderecki (1933 -2020), tous deux vont revenir à un langage tonal-modal dans les années 70-80.
Tentative de classement de la musique de Michel Lysight.
Explorations.
Comment vous définissez-vous en tant que compositeur ?
La plupart des artistes détestent les étiquettes : il est impossible de caractériser suffisamment le créateur. D’autant plus que l’écriture d’un artiste évolue.
Je savais qu’une étiquette me serait adossée ; dès lors, autant la choisir soi-même.
Mon éditeur et ami Alain Van Kerckhoven venait de se lancer dans l’édition de « Nouvelle musique consonante ». C’est le compositeur Piotr Lachert (1938 ; Pologne) qui a inventé ce terme pour s’opposer à Pierre Boulez, Henri Pousseur et consorts. Cette terminologie est avant tout belge, même si Alain Van Kerckhoven édite des compositeurs du monde entier.
Je ne suis pas emballé par le terme mais tout y est parfaitement bien résumé.
« Nouvelle musique consonante ».
- Il doit s’agir d’une œuvre nouvelle.
- Forcément, il s’agit d’une écriture musicale.
- Et, le plus difficile à expliciter est le terme « consonant ».
Ce terme est mal compris. Il ne s’agit pas de musique facile à écouter.
Il s’agit d’une musique accessible au public et c’est là que la notion de plaisir intervient, revient enfin. Si Pierre Boulez ne voulait pas « être embêté par les plaisirs de bas ventre », moi, j’aime les plaisirs de bas ventre.
Je veux que les auditeurs éprouvent du plaisir mais il ne doit pas être de bas étage, il peut être intelligent, sans pour autant devoir lire une encyclopédie pour expliquer comment il faut l’écouter. Trop souvent le commentaire sur l’œuvre semble plus important que l’œuvre elle-même. Combien de fois n’avons-nous pas eu droit, lors de festivals de musique contemporaine, à une conférence d’une demi-heure destinée à faire comprendre aux pauvres mortels que nous sommes les cinq minutes d’ennui sonore qui allaient suivre ?
Où vous situez-vous parmi les courants contemporains ?
- Néoclassicisme (1930) ou néoromantisme (20ème) ?
Ces notions sont-elles dépassées ?Ces termes sont trop connotés et anciens.
Le néoclassicisme s’inspire de formes baroques et classiques mais cela s’arrête là.
Il y a une volonté d’utiliser la tonalité, mais la tonalité de Stravinsky n’est pas celle de Beethoven qui elle-même n’est pas celle de Bach. Ce système est tellement fort qu’il a évolué jusqu’à nous.
Avec le néoromantisme (vers 1970), nous avons eu un nouveau courant d’écriture avec, par exemple, Krzysztof Penderecki (Polonais, 1933 – 2020).
En fait, le romantisme est un état, ce n’est pas une esthétique, tout en étant une période. Il peut s’exprimer dans plusieurs styles d’écriture.
Dès lors, les termes « néo » n’ont pas de sens. - Alors que les courants dodécaphonique et sériel étaient en vogue, vous avez choisi de rester dans une écriture tonale, à contrecourant des tendances de ces dernières décennies.
Était-ce un choix courageux, dangereux ?
Oui, c’était courageux car je savais que j’allais être mal considéré ; je le suis encore mais cela s’atténue.
A 22 ans, j’étais professeur et je n’avais pas besoin de l’argent des commandes, sinon, j’aurais dû rentrer dans le moule.
Mais, c’est d’abord un choix honnête.
J’ai énormément étudié et travaillé et je sais parfaitement quelles sont les différentes techniques d’écriture. J’ai donc pu ainsi rejeter ce qui ne me convenait pas en toute connaissance de cause.
- Faut-il encore faire une distinction aujourd’hui entre musique tonale et atonale ?
Cela a du sens de distinguer tonal et non tonal.
Le terme tonalité, de nos jours, exprime plus le fait qu’il y a une hiérarchie entre les sons utilisés, mais sans pour autant se limiter aux gammes majeures et mineures.
- Faut-il absolument casser les codes d’écriture pour créer une musique « intéressante » ?
Non.
- Est-il encore possible de proposer une nouvelle musique et de quelle manière?
Oui, sinon j’arrêterais d’écrire.
Je peux clairement montrer mon évolution depuis 1982.
Mon langage réellement personnel commence en 1990 avec « Chronographie 1 ».
Mais, au fil des années, il y a eu au sein de ce langage une évolution évidente : je ne compose plus comme en 1990, même si toutes mes œuvres à partir de là expriment ma personnalité créatrice.
Il faut développer de la nouveauté dans son langage.
Après le concert, le pire est de dire à un compositeur que sa musique était intéressante ou que sa musique rappelle tel ou tel compositeur.
Pour créer, il n’y a pas de formule miracle. Il faut parfois casser un code mais il ne faut pas le détruire. On peut avoir de bonnes idées sur base de mauvaises idées. Le pointillisme en musique m’a donné l’idée dans les années 1990 de spatialiser les motifs en les « éclatant » entre les instruments, en tous cas pour de petites formations ; dans une grande formation, cela deviendrait techniquement quasi impossible pour les musiciens à mettre en place.
Des éléments techniques se retrouvent dans mon langage tout au long de mon évolution.
J’utilise toujours la répétition comme élément premier mais ce qui est répété doit être intéressant dès le départ.
Il ne s’agit pas toujours de répéter des thèmes au sens classique du terme, mais bien de courtes cellules mélodico-rythmiques.
Toutefois, je développe également souvent de grandes phrases lyriques, mais toujours avec un procédé répétitif évolutif, comme dans « The Old Masters of Speyside » qui sera joué lors des deux concerts à Lasne et à Arsonic.
Il y a beaucoup de compositeurs qui commettent l’erreur de ne pas être attentifs à l’instrument pour lequel ils écrivent. L’œuvre est alors mal jouée ou c’est tout simplement injouable.
Je mets un point d’honneur à ne pas commettre une telle erreur :
-
- Tout d’abord par respect pour les interprètes.
- Et ensuite parce que je veux que l’œuvre « sonne » parfaitement pour l’instrument.
Je tiens dès lors compte de toutes les remarques et suggestions faites par les interprètes lors des répétitions ou du travail de composition.
Si ceux-ci me font part de difficultés techniques, je modifie la partition, du moins si la difficulté est réelle et non due à un manque de travail. J’ai la chance de travailler avec des musiciens formidables en qui je peux avoir une totale confiance.
Si j’écris pour orchestre, je fais attention à la mise en place.
Cependant, je ne bride pas du tout mon inspiration, que du contraire.
Orson Welles est pour moi un modèle ; il avait parfois tellement peu de moyens financiers pour ses films que cela décuplait son génie.
Ces restrictions obligent à avoir encore plus d’imagination afin d’exprimer quelque chose d’intéressant ; et, cela force à se remettre en question.
Y a-t-il une touche « made in Belgium » reconnaissable entre les compositeurs belges comme dans le cinéma noir-jaune-rouge ?
Si nous observons les compositeurs des grands pays, on peut parler de musique française, allemande, américaine, sud-américaine, malgré la mondialisation qui a un peu atténué cette homogénéité nationale.
Pour un petit pays comme la Belgique, je n’y crois pas du tout.
On ne peut pas distinguer de la musique belge ni même que la musique flamande serait germanique et que la musique wallonne serait française.
En Belgique, on peut soutenir les compositeurs belges mais on ne peut pas dire qu’on soutiendra un courant d’écriture belge.
En revanche, on peut reconnaitre le style d’un compositeur et le situer dans un courant.
Je me reconnais dans la musique française ainsi que dans la musique minimaliste nord-américaine et des pays de l’Est.
Le métier de Chef d’orchestre – Les liens avec la composition.
Vous exercez également le métier de chef d’orchestre.
Est-ce que la direction d’orchestre a enrichi votre métier de compositeur ?
Oui, de plusieurs points de vue.
J’ai obtenu un diplôme supérieur de direction d’orchestre, non pas pour être Chef d’orchestre mais pour diriger mes œuvres, notamment avec l’ORCW.
Grâce à la direction d’orchestre, j’ai appris le fonctionnement de l’orchestre : c’était formatif afin d’écrire au mieux pour différentes grandes formations.
J’ai toujours dirigé des œuvres du 20ème et du 21ème siècle.
J’ai très rarement dirigé des œuvres classiques, romantiques ; je ne m’en souviens même pas.
J’ai même créé (joué en première audition) des œuvres d’autres compositeurs, que j’appréciais ou non, et je l’ai fait du mieux possible pour servir leurs œuvres.
Lorsque j’étais bassoniste, j’ai beaucoup joué, en tant que musicien supplémentaire ou remplaçant, dans l’orchestre de la RTBF qui programmait souvent des œuvres contemporaines.
J’y ai appris ce que les musiciens disaient, faisaient ou ne faisaient pas comme les notes qu’ils ne joueraient jamais en sachant que le compositeur ne l’entendrait pas.
Ce furent des années extrêmement riches de multiples expériences, tant pour le chef que pour le compositeur.
Aimez-vous diriger vos propres œuvres ou préférez-vous les entendre sous la baguette d’autres chefs ?
Pour écouter mes œuvres et surtout lors de leur création, j’éprouve plus de plaisir depuis la salle.
Je ne suis pas trop heureux de diriger mes œuvres, sauf si on me le demande expressément ou que je sens que la pièce ne sera pas jouée si je ne dirige pas.
En tant que Chef d’orchestre, je suis dans l’obligation professionnelle de me concentrer sur ma partition.
Ma musique n’est pas simple, surtout rythmiquement. Je suis immergé dans ma partition et je n’ai pas le plaisir d’écouter l’œuvre de la même manière que si j’étais simple auditeur.
Par ailleurs, je souhaite toujours qu’il y ait un Chef d’orchestre pour diriger mes œuvres, même lorsqu’elles sont connues d’un très bon orchestre comme l’ORCW, car elles sont souvent complexes à mettre en place.
Nous entendrons trois créations mondiales, des œuvres commandées par l’ORCW ou par le Festival Musical de Lasne.
Quel est votre rapport au(x) commanditaire(s) dans le processus créatif ?
Il y a trois sortes de commanditaires.
Dans ce concert, assez exceptionnellement, nous réunissons les trois catégories.
- La première catégorie : les co-commandes.
En l’occurrence, pour ce concert, il s’agit de la « Rhapsody » pour clarinette et orchestre, une co-commande de l’ORCW et du Festival Musical de Lasne.
La clarinette est l’instrument pour lequel j’ai le plus composé.
Depuis mon adolescence, j’ai beaucoup d’amis clarinettistes.
Dans le répertoire, de très grands compositeurs ont écrit pour des formations emblématiques : sonates pour clarinette et piano, quintettes avec clarinette, concertos pour clarinette, etc.
Il y a quelques années, Ronald Van Spaendonck m’a lancé le défi de composer une œuvre pour toutes ces formations spécifiques et la « Rhapsody » en est la dernière étape.
Cette œuvre pour clarinette et cordes est une co-commande de l’ORCW avec qui mes liens d’amitié sont très forts depuis de longues années, et du Festival Musical de Lasne.
Cette œuvre est dédiée à mon ami (cf. infra, « 2ème catégorie ») Ronald Van Spaendonck.
Composer pour des interprètes aussi fabuleux stimule mes neurones de manière optimale.
- La 2ème catégorie est fort présente dans mon catalogue : écrire pour un ami.
En l’occurrence, pour ce concert, il s’agit du concerto pour contrebasse composé, à sa demande, pour Philippe Cormann, contrebassiste solo de l’ORCW.
Au tout début de ma carrière de professeur, Philippe Cormann a été un de mes élèves en solfège à l’Académie de Berchem. Comme beaucoup d’élèves, il avait quelques questionnements sur cette matière ardue. Je l’ai fait beaucoup travailler. Ce travail assidu l’a probablement aidé afin de devenir le brillant contrebassiste et Professeur qu’il est.
Des années après, et il y a quelques mois, Philippe me demanda de lui écrire un concerto pour contrebasse. Je n’ai pas hésité vu les liens d’amitié qui nous lient depuis tant d’années.
Et, j’aime aussi les nouveaux défis.
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- Il n’y a pas beaucoup de concertos pour contrebasse, et cela vaut vraiment la peine d’enrichir le répertoire.
- L’instrument comporte beaucoup de difficultés techniques dont le compositeur doit tenir compte : ces difficultés m’étaient assez inconnues.
Le contrat a été simple. Philippe devait m’apporter son savoir.
Stravinsky a dit au violoniste Dushkin « Je veux que mon concerto pue le violon ».
De même, je voulais que mon concerto « pue la contrebasse ». L’œuvre est donc virtuose et « contrebassiste », pour et grâce à mon ami Philippe.
- La 3ème catégorie : un organisme public, une institution ou un orchestre tels que l’ORCW vous passe une sympathique commande.
En l’occurrence, pour ce concert, il s’agit de la Symphonie n°3 pour orchestre à cordes.
Cette commande, fomentée par le Directeur général de l’ORCW, avec la complicité de Frank Braley (à l’époque, Directeur musical de l’ORCW), faisait partie de trois commandes.
Deux œuvres, écrites en 2017, ont déjà été créées dans le cadre des 60 ans de Michel Lysight et de l’ORCW.
Ces deux créations ont vu le jour le 1er décembre 2018 :
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- Concerto pour piano et orchestre, avec Frank Braley.
- Concerto pour violon et orchestre à cordes, avec Jean-Frédéric Molard.
- La troisième œuvre commandée en 2017, la Troisième Symphonie, n’a jamais été créée ; elle le sera en octobre 2022.
Le temps d’écriture et le temps de création peuvent sensiblement différer.
Vaut-il mieux que le commanditaire soit musicien ou non ?
C’est totalement indifférent car à partir d’un certain bel âge, je ne me fais plus influencer.
C’est assez simple : en commandant du « Lysight », on reçoit du … « Lysight ».
Evidemment, on discute de l’effectif, du temps, et même parfois des contingences de création (beaucoup ou peu de services) – sauf avec l’ORCW où le travail et l’interprétation sont toujours parfaitement soignés.
Dans le cas où le commanditaire n’est pas un musicien, comment traduisez-vous une demande « naïve » et comment faire passer l’idée de départ du commanditaire aux interprètes ?
La commande du Directeur général (Symphonie n°3 pour orchestre à corde) visait donc à l’écriture d’une œuvre pour 12 solistes, sans que personne ne soit mis de côté, ce qui est complexe en termes d’écriture.
Le cœur de l’ORCW est composé de 12 musiciens : le but était de placer les 12 artistes, tous ensemble, sur un même pied d’égalité musicale, avec la même valeur.
J’ai respecté le contrat, mais pas durant les trois mouvements de la Symphonie, ce qui aurait été lassant à la longue.
Il y a un passage assez développé où, effectivement, chaque musicien de l’orchestre joue une partie soliste, ce qui donne un effet de masse sonore assez impressionnant.
À d’autres endroits, certains musiciens deviennent momentanément « soliste » pour quelques instants en dialoguant avec le reste de l’orchestre, comme ils le feraient dans un concerto.
Vous avez souvent écrit pour un ensemble ou un interprète particulier, comme ici pour l’ORCW, Philippe Cormann ou Ronald Van Spaendonck.
Cela influence-t-il la composition ?
J’aime avoir un rapport d’amitiés avec les interprètes.
J’ai dédicacé les œuvres à Philippe Cormann et Ronald Van Spaendonck, j’ai leur sonorité en tête et je connais leurs immenses possibilités techniques et musicales.
Ronald et Philippe vont réaliser une superbe création mondiale au Festival Musical de Lasne et je suis curieux de l’évolution de l’interprétation, 15 jours après, à Mons, lors de la création montoise.
Cela ne sera pas spécifiquement meilleur mais certainement bien différent.
Le premier DEFI de Michel Lysight continue J’espère que des auditeurs viendront aux deux concerts. En effet, j’espère qu’une partie du public vivra la double expérience et appréciera l’évolution de l’exécution.
Pouvez-vous nous dire ce qu’évoque chacune des œuvres du programme ?
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The Old Masters of Speyside
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Voici une œuvre alcoolisée ; je m’en explique.
Mon éditeur, Alain Van Kerckhoven trouve souvent les titres que je suis incapable de dénicher. En effet, cela m’ennuie de titrer, de synthétiser en une phrase une musique qui dit tant d’autres choses.
Dans la partie centrale (B de A – B – A’), on peut songer à une inspiration écossaise.
Or, cet écossisme musical est venu par hasard dans l’écriture.
Alain est un amateur de whisky.
« Speyside » est une localité en Écosse qui distille de l’excellent whisky.
Alain inventa ce titre : « The Old Masters of Speyside ».
Le commanditaire n’est plus connu.
L’œuvre est fort appréciée par le public mais elle n’est vraiment pas simple à jouer pour les musiciens.
Comme l’ORCW la joue régulièrement, et fort bien, on peut considérer que l’ORCW est son nouveau commanditaire moral.
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Les trois créations mondiales.
Symphonie n°3 pour orchestre à cordes (création mondiale)
Concerto pour contrebasse et orchestre à cordes (création mondiale)
Rhapsody pour clarinette et orchestre à cordes (création mondiale)
Nous sommes à la pointe de mon écriture, du développement de mon langage musical.
Pour ces trois créations, j’ai écrit de la musique pure, à savoir une musique qui n’exprime, tout simplement, qu’elle-même ; l’œuvre ne raconte aucunement une histoire qu’il faut reconnaitre ou connaitre.
À travers elle, le public est invité à se créer son propre imaginaire, en tout liberté, je ne voulais rien lui imposer, même s’il y a plusieurs univers dans chacune des œuvres.
Le deuxième DEFI de Michel Lysight Il serait intéressant de demander anonymement aux auditeurs qui seront venus aux deux concerts ce qu’ils auront ressenti, au même moment, pour les mêmes œuvres.
Comment faire en sorte que vos œuvres perdurent dans le temps ?
Est-ce une préoccupation, ou bien l’acte d’écriture se suffit à lui-même ?
L’acte d’écriture ne se suffit pas du tout à lui-même, je veux être joué car je n’écris pas pour mes tiroirs.
Mon rêve est d’être joué le plus longtemps possible et c’est aussi une préoccupation de mon éditeur.
Après mon départ, l’idée serait de faire gérer les droits par un de mes deux enfants afin d’éviter qu’au fil des générations, la transmission devienne impossible.
Les enregistrements permettent aussi aux œuvres de perdurer mais les subventions sont insuffisantes et surtout difficiles à obtenir.
J’ai rentré récemment une demande à la Fédération Wallonie-Bruxelles pour un enregistrement de mes œuvres pour voix et ensembles instrumentaux divers. La réponse fut négative car il n’y a qu’un seul concert après l’édition du CD ; or, un CD sert à promotionner des concerts futurs. L’aberration étatique dans toute sa splendeur.
Vous êtes tout récemment retraité du Conservatoire royal de Bruxelles où vous avez enseigné de nombreuses années.
Osons. Que pensez-vous de l’enseignement de la musique en Belgique ?
Dans les conservatoires royaux et les académies, j’ai enseigné le solfège, l’harmonie, la musique de chambre, la formation musicale et la formation aux langages contemporains.
J’ai donc connu les années fastes au point de vue musical et technique.
Mais, progressivement, l’enseignement a évolué de manière négative et le niveau a considérablement baissé.
Un inspecteur d’académie, musicien raté, a pris le pouvoir et il a voulu instaurer une pédagogie « active » où l’excellence n’était plus la priorité (quoi qu’il ait pu en dire).
Après 5 années de solfège, dans certaines académies, les étudiants ne peuvent toujours pas dire ce qu’il y a à la clé en ré majeur et ils sont incapables de déchiffrer un morceau simple.
Certaines académies (pas celles de Mons, Binche …) semblent être plus devenues des centres d’animation que des institutions pédagogiques menant aux conservatoires ou formant d’excellents amateurs.
Dans les conservatoires royaux et les écoles supérieures de musique, le corps professoral est très bon, et dans certaines disciplines, il est même meilleur qu’avant.
Cependant, le niveau catastrophique d’une grande partie des académies entraine ipso facto que nous retrouvons essentiellement dans nos conservatoires des étudiants étrangers : français, espagnols, chinois, italiens, coréens et japonais.
À noter que si le corps professoral des conservatoires royaux est très bon en général, la plupart des sections de pédagogie sont phagocytées par des adeptes de la pédagogie dite « active » à l’origine du naufrage des académies. C’est donc un problème qui ne va pas s’arranger rapidement sauf s’il y avait une volonté politique de remettre les médiocres à leur place et de retrouver cette notion d’excellence qui n’aurait jamais dû disparaître.
Et quand vous ne composez pas, à quoi aimez-vous passer votre temps ?
Quels sont vos projets ou vos rêves pour les prochaines années ?
Être Papa !
Mes deux enfants sont ma préoccupation première : gérer les disputes entre eux ou avec moi, gérer l’école, … ; les guider au mieux…
J’aime aussi passer du temps pour la lecture et au cinéma.
J’aimerais découvrir beaucoup de nouvelles matières en sciences, découvrir de nouvelles œuvres à travers plusieurs arts, …
J’aimerais écrire de la bonne musique de film.
J’ai beaucoup de respect pour les grands compositeurs comme John Williams mais plutôt que de devoir écrire dans un cadre précis, j’aimerais collaborer étroitement avec le réalisateur en créant une sorte d’osmose entre le réalisateur et le compositeur que je suis ; à l’instar de Prokofiev et Eisenstein, Nyman et Greenaway, David Lynch et Badalamenti ou encore Sergio Leone et Morricone.
De même, je rêve d’écrire un ballet ou que ma musique serve de base créatrice à des chorégraphes.
Actuellement, la plupart des chorégraphes ne partent pas de la musique pour créer.
Ils créent le langage corporel sans le support musical.
Le choix de la musique intervient après la création des formes qu’ils ont inventées, des mouvements et de leurs interactions.
J’aimerais entendre mes quatre Symphonies pour orchestre en Belgique et à l’étranger.
J’aimerais que l’Humanité progresse plus et plus vite.
En fait, j’aimerais surtout que mes enfants trouvent leur chemin dans la vie.